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2. Nouvelle société et entrée en politique
2.2. Le Second Empire
 Le Second Empire joue paradoxalement un rôle essentiel dans l'apprentissage politique des ruraux. Malgré son caractère autoritaire, le régime impérial ne revient pas sur l'acquis du suffrage universel, et même si celui-ci est largement détourné par le système des candidats officiels, en une vingtaine d'année, la pratique concrète des élections peut lentement s'imposer auprès de la population. Dans les Landes, le système des candidats officiels assure la stabilité de la représentation au Corps législatives pendant un dizaine d'années, puisqu'entre 1852 et 1863, seuls deux députés sont envoyés à Paris : François Marrast, pour la circonscription de Mont-de-Marsan et Charles Eustache Corta, pour celle de Dax. Le renouveau d'une opposition a lieu lors des élections législatives de 1863, au cours desquelles le candidat bonapartiste de la circonscription de Mont-de-Marsan, Armand Dulamon est mis en difficulté par le candidat républicain Victor Lefranc dans les communes de Mont-de-Marsan, Aire-sur-l'Adour et Saint-Sever. La renaissance de l'opposition républicaine nous renvoie aux mutations en cours à cette époque sur le terrain de l'organisation de la société rurale landaise. La mise en place du système sylvicole sur une grande partie du territoire rencontre l'hostilité des pasteurs et des représentants du système agricole traditionnel (cf. 1.1.1. Le système agro-pastoral) pendant que s'accentuent les tensions sociales entre les gemmeurs et leurs propriétaires, comme à Sabres (cf. 1.3.2. " La Révolution de Sabres "). On trouve ici une illustration du processus d'appropriation du suffrage universel par les masses paysannes, qui ont su dès cette époque en faire une expression de leur mécontentement et ont tenté de l'utiliser comme arme dans un conflit de nature sociale.
A partir de la fin des années 1850, les bouleversements apportés à l'organisation économique et sociale des Landes sont de façon générale à l'origine de transformations complexes, et parfois contradictoires, de la vie politique locale. Les élites issues de la Monarchie de Juillet se sont maintenues sous la Seconde République, puis sous le Second Empire. Leur position économique et sociale dominante leur a permis d'instaurer ou de maintenir leur autorité politique. Plus encore, avec l'avènement du régime impérial, ils trouvent un appui qui leur permet d'opérer la transition économique qu'ils réclament depuis déjà plusieurs années. Appuyés par le pouvoir central d'un côté, dépositaires des pouvoirs locaux de l'autre, ils sont en position de force pour assurer la transition de l'agro-pastoralisme traditionnel vers une sylviculture industrielle et spéculative. Il leur est, par exemple, aisé d'intervenir sur la question de la privatisation des biens communaux, de leur transformation en pignadas, puis de leur vente. Inversement, la modernisation de l'agriculture landaise sert la carrière politique de nouveaux notables locaux, qui savent profiter de la position sociale conquise dans le cadre du système sylvicole pour appuyer leur carrière politique. L'exemple le plus éclatant de ce type de situation est sans doute le comte Walewski, qui est ainsi élu député en 1865.
 Du côté des gemmeurs et des pasteurs, les mutations économiques facilitent le développement d'une opposition, notamment républicaine, au régime en même temps que l'intégration de concepts politiques nouveaux. Chez les tenants du système agricole traditionnel, pasteurs et petits propriétaires, le démantèlement des biens communaux déclenche une opposition désespérée au régime qui se traduit par une opposition croissante au régime qu'illustrent les incendies contre certains de ces éminents représentants (cf. 1.2.3 Résistances). Toutefois, cette opposition n'est qu'éphémère. Condamnés par l'écrasante progression de la sylviculture, contraints à s'exiler ou à s'intégrer dans ce nouveau système productif, ses représentants ne peuvent soutenir un mouvement politique durable. Pour ce qui est des métayers-gemmeurs, deux conséquences sont à distinguer. La croissance que connait leur activité dans les premières années de la décennie 1860 inscrit celle-ci dans un contexte qui dépasse de loin le cadre étroit de la commune ou même du département. L'essor des exportations vers le marché national et international du fait de la Guerre de Sécession, (cf. 1.2.2 Vers une nouvelle société) est à l'origine du développement d'une perspective nationale socialement concrète. Le concept de nation et la question de l'intégration politique à cette communauté nationale se trouvent renforcées par ces données politiques et sociales, tout autant que par la pratique du suffrage universel. En s'étendant, le système sylvicole ne fait que renforcer ces idées. Seconde tendance, le développement de rapports sociaux conflictuels sert largement les idées républicaines, dans la mesure où les gemmeurs se les approprient pour lutter contre les grands propriétaires, souvent hommes du régime.
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