Vers les Landes d'aujourd'hui
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1. Les mutations de la société landaise

1.2. Le nouveau visage socio-économique des Landes

A la fin des années 1950, les activités qui ont fait la force de l'économie landaise pendant toute la première moitié du siècle sont devenues obsolètes. Frappées par les évolutions du marché national et international, les activités résinières d'un côté et sidérurgiques de l'autre ne peuvent survivre dans le cadre des Landes. Un nouvel équilibre socio-économique se construit donc, non sans heurts et sans difficulté. Le secteur agricole est marqué par deux évolutions fondamentales : la reconversion de la forêt et l'essor de la maïsiculture. L'industrie landaise connaît-elle un destin plus chaotique. Tout d'abord, le vide laissé par la fermeture des Forges est long à combler dans le sud du département. De leur côté, les activités liées à la forêt sont frappées par la reconversion de la forêt quand elles ne connaissent pas des difficultés récurrentes plus globales. Ainsi, c'est véritablement un nouvel équilibre socio-économique qui se construit progressivement à partir de la fin des années cinquante, jusqu'à aboutir aux Landes d'aujourd'hui.


1.2.1. Vers un secteur agricole moderne

Aux lendemains de la Seconde guerre mondiale, la nécessité de moderniser l'agriculture française est devenue incontournable dans bien des secteurs. En effet, pour maintenir sa position face aux nouveaux impératifs du marché agricole européen et mondial, l'agriculture française se doit d'améliorer sa rentabilité, ce qui passe alors par une amélioration conséquente de la productivité. L'objectif fixé par les pouvoirs publics au cours des années cinquante est de placer la France au tout premier rang mondial des exportateurs de produits agricoles. A l'échelle du pays, un tel objectif ne peut être rempli que par un effort considérable pour moderniser le secteur, et cette modernisation passe autant par le développement de la mécanisation que par des efforts de rationalisation de l'exploitation ou de réorganisation sociale.


Or à la fin des années 1950, les Landes accusent un retard important face à ces objectifs. En premier lieu, la substitution du fermage au métayage est encore largement incomplète au début des années soixante, puisqu'en 1964, les métayers représentent encore plus de 30 % des exploitants agricoles (contre une moyenne nationale de 3,2 % à cette époque). Aux difficultés du statut de métayer s'ajoute, ensuite, le problème de la taille des exploitations. En effet, dans tout le département, l'écrasante majorité d'entre elles ne dépasse pas les 10 hectares. Dans certaines régions, on constate même que plus de 80 % des exploitations ne dépassent pas les 5 ha. Enfin, en dépit de leur petite taille, les exploitations sont parfois dispersées. Dans la région d'Amou et de Samadet, des premiers efforts de remembrement sont ainsi initiés au début des années 1960, mais ils sont longs à porter leurs fruits.


Or le modèle imposé par les évolutions de l'agriculture française est celui d'une exploitation de taille déjà importante, fortement mécanisée et rationalisée. Dans cette situation défavorable, la donnée essentielle de l'évolution du secteur agricole landais pour les années suivantes va donc résider dans l'exode rural. Ainsi, en un peu plus de trente ans, entre 1955 et 1988, la population active dans ce secteur a diminué de moitié. Jusqu'à la fin des années 1960, cette diminution intègre bien sûr la disparition du gemmage et le départ massif des résiniers, mais il convient dès les années 1950 d'y ajouter les premiers départs d'agriculteurs de Chalosse. Les contraintes de l'évolution de l'agriculture française sont bien sûr à l'origine de bon nombre de ces départs. Difficile, voire impossible en effet, pour un métayer ne mettant en valeur que quelques hectares, de faire de son exploitation une entreprise rentable, alors qu'il ne peut à lui seul fournir les investissements nécessaires à sa mécanisation ou à son agrandissement. Ainsi, les exploitations les plus fragiles disparaissent progressivement, entretenant un mouvement de concentration foncière qui favorise l'émergence d'exploitations de taille plus viable.


Aux côtés de ce mouvement de concentration des exploitations et de resserrement des effectifs de la population agricole, une autre évolution, qualitative celle-là, a contribué à définir la place des Landes dans le secteur agricole français : l'essor de la maïsiculture.


Cette culture existait déjà dans le département, en Chalosse essentiellement, mais elle connaît à partir des années cinquante un formidable élan à travers le développement d'exploitations nouvelles. La première innovation introduite par ces exploitations réside dans leur localisation. C'est en effet dans la Grande Lande, sur d'anciennes surfaces boisées ravagées par les incendies des années quarante, que s'installe une poignée de fermiers originaires de l'Aisne. Ironie de l'histoire, ces pionniers s'installent à Solférino, lieu des premières expérimentations agricoles effectuées sur le territoire landais au XIXe siècle.


Soutenus dans leur pari par l'administration et par des conditions financières exceptionnelles de la part des banques, ils introduisent des pratiques et un système agricole radicalement nouveau dans le contexte des Landes. Leurs parcelles sont tout d'abord plus vastes que les exploitations landaises moyennes et donc plus adaptées à l'usage de machines. Surtout, la mise en valeur de ces terres au départ jugée incultes s'appuie sur des techniques intensives et précises, grâce à un centre technique fondé des l'installation des premiers arrivants. En quelques années de travail acharné, ces derniers font la démonstration de la réussite de leur entreprise et c'est suite à leurs premiers succès que sont posées dès 1956 les bases de la Compagnie d'Aménagement des Landes de Gascogne (CALG).

Dans le cadre de celle-ci, on choisit de constituer et d'aménager des lots de 40 hectares, ce qui correspond à la surface cultivable par une famille équipée d'un tracteur, et d'implanter sur chaque exploitation un logement confortable de 115 m2 et des bâtiments d'exploitation (deux magasins et un atelier). On prédit alors aux futurs exploitants des revenus annuels d'un million de francs. Ces objectifs élevés contribuent à installer ce que certains ont décrit comme un véritable climat d'euphorie dans la région. Ainsi, l'espoir de voir les Landes devenir une zone agricole particulièrement prospère est déjà largement répandu lorsque les premiers colons s'installent à Bourriot-Bergonce en avril 1959. Cinq ans plus tard, une centaine de familles est installée sur les 6 000 hectares déjà aménagés, mais l'œuvre de la compagnie est déjà mise en doute.


Depuis sa naissance, elle a dû faire face à l'hostilité des sylviculteurs qui craignent de voir leur activité menacée, mais ce sont désormais des colons qui réclament des comptes à la compagnie après avoir constaté l'inefficacité de certains aménagements. Il semble en effet que dans plusieurs cas les aménagements soient largement insuffisants ou inadaptés et ne suffisent pas à rendre les terres viables. A la même époque, plusieurs conseillers généraux landais s'emparent ainsi du dossier, dénonçant le gouffre financier de la C.A.L.G. et ses résultats insuffisants. En 1965-1967, ces différents contentieux sont portés devant les tribunaux et les différents procès qui s'ensuivent mettent de fait fin à l'activité de la compagnie.


Aujourd'hui, il convient de nuancer le bilan de l'épisode de la Compagnie d'Aménagement des Landes de Gascogne. Il est certain qu'un certain nombre de choix techniques et financiers s'avérent particulièrement désastreux pour la Compagnie comme pour les allocataires, contribuant au discrédit de la C.A.L.G. et à l'impression d'un véritable gâchis. De même, sans doute peut-on penser que le mirage centenaire de la transformation des Landes en terres riches et fertiles joue un rôle dans l'euphorie qui anime certaines décisions. Toutefois, les erreurs de gestion sont également largement influencées par des causes extérieures. L'arrivée brutale des rapatriés d'Afrique du Nord, d'abord venus du Maroc puis d'Algérie à partir de 1962, est sans doute pour beaucoup dans l'accélération inconsidérée de l'aménagement de certaines parcelles ou dans le passage à des lots moyens de 80 ou 100 ha, beaucoup plus difficiles à rentabiliser.


Dès les années 1970, la situation paraît pourtant rétablie et la maïsiculture devient une véritable source de développement. Ainsi, entre 1970 et 1979, la surface agricole utile augmente de plus de 1 000 ha par an dans le département. Les agriculteurs ont su adapter semences, machines et engrais aux conditions particulières des Landes pour transformer une partie du massif forestier en une zone prospère grâce à la culture du maïs. Et ces succès ne se démentent toujours pas au début des années quatre-vingt-dix. Enfin, on peut penser que le développement de ces nouvelles cultures a ouvert la voie à l'agriculture landaise dans son ensemble en bousculant les modèles traditionnels et en offrant celui d'une exploitation intensive et tournée vers des objectifs commerciaux. Ainsi ces exploitations pionnières ont contribué à entretenir le mouvement de mécanisation des exploitations landaises, voire à le renforcer, après le vote en janvier 1964 d'une subvention du conseil général en faveur des équipements acquis dans le cadre de Coopératives d'Utilisation du Matériel Agricole (CUMA).


Le dernier secteur de développement de l'agriculture landaise fait le lien entre ses traditions et les évolutions les plus récentes du marché agricole national et international. Il s'agit de la production de canards gras. La France est en effet le 1er producteur mondial de canards gras, et les Landes représentent dans les années 1990 la moitié de cette production.


Cette production n'est pas nouvelle dans la région, puisqu'on la retrouve en tant que production commerciale depuis le début du siècle chez les agriculteurs de Chalosse. Toutefois, avec l'essor du marché, cette production devient particulièrement importante dans les années 1970. Le rôle de l'essor de la maïsiculture n'est pas à négliger, puisque le maïs constitue l'un des aliments essentiels pour les bêtes. Depuis les années 1980, le fait nouveau est la réorientation de nombreuses exploitations landaises en fonction de la production de canards. Dans ces exploitations, le travail et les diverses cultures sont ainsi organisés autour de cette production : les parcelles de maïs servent par exemple majoritairement à la nourriture des bêtes. Aux côtés des exploitations modernes dévouées à une maïsiculture intensive et mécanisée, ces exploitations sont l'autre versant de l'agriculture moderne : une production traditionnelle tournée vers un marché national et international très large.


1.2.2 L'industrie landaise entre reconversion et développement

Les évolutions du profil économique du département ne se limitent pas à l'agriculture landaise, ne serait-ce que parce que les mutations qui touchent le secteur agricole ne sont pas sans conséquences sur l'industrie locale. En matière industrielle, les Landes sont en fait confrontées à un véritable défi au cours des années 1960 et 1970. Dans un premier temps, la fermeture des Forges mais aussi les nouvelles données de la production agricole et forestière, font apparaître la nécessité de la reconversion. Toutefois les contraintes s'exerçant sur la région restent fortes, et en tout premier lieu la situation géographique excentrée du département. Plus généralement, la pérennité d'un éventuel développement de l'industrie et pour le moins sa reconversion, dépendent également de la cohérence de l'économie landaise dans son ensemble, et notamment d'une certaine adéquation entre agriculture, exploitation forestière et industrie.


Au début des années 1960, plusieurs secteurs de l'industrie landaise traversent une véritable crise. La fermeture des Forges (voir ci-dessus et partie précédente) a condamné le principal pôle industriel du département et condamne au chômage plusieurs centaines d'ouvriers. Avant même la fermeture effective du site, la lutte s'était toutefois engagée pour le développement de nouvelles activités et l'implantation de nouvelles entreprises sur le site de Boucau-Tarnos. L'enjeu était en effet énorme car l'économie locale dans son ensemble était menacée par la destruction de plusieurs centaines d'emplois.


Deux premières tentatives en faveur de l'implantation d'une usine SNECMA puis d'un atelier des Monnaies et Médailles échouent. Par la suite, grâce entre autres à l'appui de Henri Grenet, maire de Bayonne, l'entreprise Turboméca vient s'installer sur le site de Tarnos, permettant le reclassement d'un millier de forgerons. Cette nouvelle usine deviendra d'ailleurs l'un des nouveaux pôles de l'industrie landaise, puisqu'elle est encore aujourd'hui l'un des sites industriels les plus importants du Département.


A partir de l'année 1964, d'autres entreprises plus ou moins proches de la zone de Tarnos accueillent également d'anciens ouvriers des Forges : la cimenterie de l'Adour et les ateliers Jean Bertin à Boucau, mais aussi les usines d'engrais Socadour et Fertiladour sur le port de Bayonne.


A la même époque, un autre secteur traverse une crise dramatique, celui des industries traditionnelles liées à l'exploitation forestière. Les ateliers de distillation disséminés dans le massif forestier sont logiquement balayés au rythme de la régression du gemmage et disparaissent. Les ateliers de caisserie sont eux touchés par l'introduction de nouvelles techniques d'emballage, tandis que l'industrie du bouchon connaît une rapide crise au début des années 1960, suite aux évolutions du marché international et de l'essor de la concurrence mondiale. Dans les années soixante et pendant les décennies suivantes, seules les papeteries se trouvent sur une pente ascendante. Les industries du papier et de la cellulose, qui sont déjà présentes dans le département connaissent en effet un essor important à la faveur de la reconversion de la forêt landaise dans la production de bois. Alors que précédemment elles ne traitaient que les rebus de l'exploitation résinière, elles sont désormais le premier débouché de la sylviculture.


L'évolution de l'industrie papetière des années 1950 aux années 1980 est d'ailleurs tout à fait significative de l'interdépendance entre agriculture et industrie et elle illustre parfaitement les enjeux auxquels sont confrontées les Landes à cette époque. Dès la fin des années quarante, la conjonction d'intérêt est très forte entre les industriels du papier et les propriétaires fonciers. Pour les premiers, l'accès à une matière première locale offre l'opportunité de développer la production tout en réduisant les coûts, tandis que les seconds sont séduits par une sylviculture plus intensive et donc plus rentable face aux difficultés économiques et sociales du gemmage. Malgré cette conjoncture favorable, l'industrie du papier ne connaît pas un envol immédiat. Ainsi, dans les années 1950, cinq papeteries sont en concurrence dans les Landes, mais quelques années plus tard, en 1964 trois usines seulement transforment le bois local, à Mimizan, Roquefort et Tartas, ces deux dernières étant affiliées au groupe industriel Saint-Gobain.


En fait, si le secteur du papier bénéficient de conditions favorables localement, les différentes usines se livrent tout de même une concurrence acharnée au sein même du département et surtout elles doivent faire face aux impératifs du marché extérieur. Pour exister il devienne en effet essentiel d'exister au niveau national et international. Pour remplir ces objectifs, le groupe Saint-Gobain décide par exemple de concentrer sa production sur l'usine de Tartas et ferme en 1979 la papeterie de Roquefort. Ainsi, au début des années 1980, seules deux usines transforment le bois de la forêt landaise, mais il s'agit d'usines que leur production et leur rayonnement commercial ont placé au tout premier rang européen. L'essor de l'industrie papetière représente bien les enjeux du développement industriel et économique dans la période des années 1960 et 1970. Pour exister, cette industrie doit hisser sa production et sa productivité au niveau international mais elle ne parvient à le faire qu'en mettant au mieux à profit les possibilités du contexte local, ici la production forestière.


On retrouve un phénomène semblable, quoique plus tardif, pour le développement de l'industrie agroalimentaire dans le département. Dès les années 1970, ce secteur connaît un important essor dans l'économie française. Or avec le développement d'une maïsiculture intensive et particulièrement performante depuis les années 1960, les Landes apparaissent rapidement comme une région favorable au développement de cette industrie. C'est ainsi qu'en 1975, la coopérative agricole des céréales du bassin de l'Adour signe avec le groupe américain Green Giant un accord en faveur de la création d'une usine de production à Labatut, la Seretram. Cette usine pose les bases du futur essor de l'agroalimentaire, qui dans les années 1980 et 1990 constituera l'un des axes majeurs du développement industriel landais.


Au début des années 1980 s'ouvre en effet une nouvelle période, marquée par de nouveaux enjeux. D'un côté la loi de décentralisation de 1982 offre aux départements de nouvelles compétences et de nouveaux outils en faveur du développement économique. Le Conseil général des Landes sut exploiter ces nouvelles opportunités et se doter d'outils lui permettant d'agir sur ce développement. D'un autre côté, le développement des échanges européens est l'occasion de renverser la situation géographique du département : isolées dans le territoire national, les Landes peuvent désormais exploiter une situation de carrefour, grâce à leur façade atlantique et à la proximité avec l'Espagne, et opérer un véritable recentrage dans l'espace européen. Ce n'est pas le moindre des défis qui se posent à l'économie landaise.
 
 

 



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