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2. La difficile affirmation d'une identité politique landaise
2.2. L'unité pour de nouveaux succès
Aux lendemains de la débâcle de juin 1968, la nécessité d'une réorganisation des forces de gauche devient de plus en plus évidente. Toutefois, au-delà de ce constat, le chemin vers celle-ci reste encore incertain car il est encore nécessaire de définir les contours politique et le cadre de la collaboration entre les organisations de gauche. Au-delà, il est même nécessaire de fixer quels seront les acteurs de cette union, alors même que les récentes difficultés du rapprochement entre communistes et socialistes montrent le fossé qui sépare encore les deux frères ennemis.
Dans les Landes, la construction d'une union des forces de gauche est directement un enjeu pour le mouvement socialiste, qui est le premier parti de gauche dans le département et donc le mieux placé pour tirer les bénéfices de l'union. Mais cette victoire envisageable est toutefois à une première condition, celle de l'unification du socialisme lui-même, nécessité particulièrement sensible dans le département. Avant de revenir sur les détails de cette histoire, il convient toutefois de faire un détour par l'autre grand artisan de cette union, quoique plus en retrait dans le contexte politique landais, le Parti communiste français.
2.2.1 P.C.F. : l'allié aux pieds d'argile
 Au cours des années cinquante, le P.C.F. a su capitaliser l'opinion favorable qui l'accompagne au sortir de la Seconde guerre mondiale, et au plan national il est jusque dans les années 1970 la force la plus crédible à gauche. Toutefois, dans les Landes, la situation du Parti communiste est relativement fragile, avant même les débuts de la Ve République (voir partie précédente).
En effet, les deux catégories sociales dans lesquelles le parti trouve le plus gros de son vivier de militants et de son réservoir de voix, les ouvriers de Tarnos ainsi qu'une partie des métayers du Bas-Adour, sont des communautés en crise.
Or, à la fin des années 1950 et au cours des années 1960, cette crise ne fait que s'aggraver, touchant cette fois directement l'organisation communiste. Face aux premières menaces pesant sur leur situation professionnelle et sociale, ouvriers des Forges et métayers ont su se mobiliser pour tenter de s'opposer aux mutations socio-économiques qui les condamnent. Dans cette lutte, le Parti communiste fut un outil et un allié naturel, notamment pour les populations de Boucau et Tarnos, déjà acquises de longue date au communisme français. Mais avec la fermeture définitive des Forges au début des années 1960 et la dispersion de population ouvrière dans différentes entreprises voire vers d'autres régions, cette communauté perd sa cohésion et sa capacité de mobilisation.
Il en va quelque peu différemment pour les paysans qui sont eux confrontés aux évolutions de leur activité et à la nécessaire modernisation sociale et technique de l'agriculture landaise (voir ci-dessus). La lutte pour la réforme du statut du métayage, à la fin des années 1940, en est une étape importante au cours de laquelle le P.C.F. acquière un crédit certain, grâce à ses militants animateurs du MODEF. Pour autant, un vaste mouvement de mutation sociale et économique tend là aussi à disloquer la communauté des paysans landais, notamment celle des métayers et des petits propriétaires. Depuis longtemps, les responsables communistes se font les défenseurs de la petite propriété familiale contre les systèmes de faire-valoir indirect mais aussi contre les grandes exploitations industrielles. Or, dans les années 1960, le modèle de l'agriculture capitaliste intensive s'impose très largement dans les Landes. Il entretient les mouvements d'exode rural, et parmi des effectifs paysans de plus en plus réduits, on trouve de moins en moins de communistes. Toutefois, comme le montre la composition des Comités fédéraux, les paysans restent jusqu'au début des années 1970 à la base de l'organisation communiste landaise. Toutefois, on note que lorsque Jean Bourlon, cultivateur originaire de Habas, secrétaire administratif de la C.G.A. des Landes depuis les années 1940, quitte le secrétariat de la Fédération communiste, il n'est pas remplacé par un militant paysan et par la suite, le secrétariat fédéral ne comportera plus de responsable des questions paysannes. Sans doute est-ce là le premier signe d'une déprise de l'organisation communiste sur le monde rural landais. Toutefois, cette assise perdure à travers les organisations syndicales et coopératives du mouvement paysan. Ainsi, le poids du parti dans le MODEF lui garantit une certaine assise dans le département, puisque ce dernier reste la principale organisation paysanne jusque dans les années 1980. Les militants communistes sont également de grands animateurs du mouvement des Coopératives d'Utilisation du Matériel Agricole(C.U.M.A.), participant ainsi au développement technique des exploitations.
 A l'échelle du département, le P.C.F. ne dépasse jamais les 12 % des inscrits et 15 % des votants lors des différents scrutins législatifs entre 1958 et 1973. Ces scores paraissent relativement faibles au regard de la moyenne nationale du P.C.F. dans ces années, située autour de 20 % des suffrages exprimés. Mais ils le sont d'autant plus face aux résultats des socialistes.
En effet, la situation locale anticipe largement sur le renversement du rapport des forces entre communistes et socialistes qui ne s'opére pas avant la deuxième moitié des années 1970 au niveau national. Ainsi, il apparaît que la relative embellie des scrutins de 1973, qui voit le score des candidats communistes landais revenir aux résultats des années 1950, est largement due au rapprochement unitaire entre communistes et socialistes et non à un regain de l'organisation dans son ensemble. Alors qu'au niveau national le P.C.F. sait à cette époque accueillir de nouvelles catégories sociales (enseignants, employés, techniciens, etc.) il ne semble pas que ce fût le cas dans les Landes, sans doute du fait que l'économie landaise est encore alors en phase de remodelage, et surtout parce que la concurrence du socialisme se fait de plus en plus grande.
2.2.2. Une union victorieuse
Aux lendemains de leur défaite de juin 1968, les socialistes français se retrouvent face à l'incontournable nécessité d'une refondation de leur mouvement autour de trois objectifs étroitement liés : reconstruire l'unité du mouvement socialiste lui-même, redevenir une alternative gouvernementale crédible et donc créer les conditions d'une victoire contre la majorité gaulliste. Cette nécessité devient même plus impérieuse aux vues du faible score du candidat S.F.I.O. Gaston Defferre lors des élections présidentielles de 1969, consécutives à la démission du général de Gaulle le 28 avril 1969.
A peine quelques mois plus tard, lors du Congrès d'Issy-les-Moulineaux en juillet 1969, un premier pas décisif est franchi dans le sens de la reconstruction du socialisme français, avec la transformation de la S.F.I.O. en Parti socialiste (P.S.). Malgré le changement de titre et l'installation d'un nouveau secrétaire général, Alain Savary, le nouveau Parti Socialiste, maintient une orientation résolue en faveur de l'union de la gauche, renonçant à une politique de " troisième force ". Lors de la formation du Parti socialiste, une fédération des Landes est bien sûr constituée sur les bases de l'ancienne fédération S.F.I.O., avec à sa tête un nouveau secrétaire fédéral : René Labat.
Dans ses divers échelons, l'organisation s'appuyait sur les structures et les militants de la fédération S.F.I.O., mais elle bénéficie également de l'apport de nouveaux militants et surtout du retour progressif de bon nombre de responsables entrés en dissidences au cours des années précédentes. Mais c'est surtout après le congrès d'Epinay que la Parti socialiste semble s'orienter résolument vers le rassemblement et la lutte pour le pouvoir. A l'occasion de ce congrès, François Mitterrand parvient en effet à rassembler les différents opposants à l'équipe Mollet-Savary et réunit autour de son nom à la fois les modérés, partisans de Gaston Defferre, et la gauche du Parti, regroupée au sein du C.E.R.E.S.. Elu nouveau 1er secrétaire du Parti socialiste, François Mitterrand affiche sa volonté de fonder une union de la gauche forte, mais aussi de ramener le Parti socialiste à la tête de cette union, face à la force électorale et organisationnelle du Parti communiste.
Dans les Landes, cette nouvelle orientation est globalement suivie par l'ensemble des élus et des responsables socialistes, mais ce consensus connaît toutefois une notable exception. En effet, Charles Lamarque-Cando, devenu président du Conseil général des Landes en 1970,est très hostile à la politique de rapprochement avec les socialistes, et se retire des débats de portée nationale pour se concentrer sur la vie politique locale. Lorsqu'il quitte la présidence du Conseil général des Landes en 1973, il n'est déjà plus membre du Parti socialiste et à partir de cette date, il marque de plus en plus son éloignement. Ainsi, après avoir été battu sons siège de maire de Mont-de-Marsan en 1983 face à une liste d'Union de la Gauche, il finira sa carrière politique comme conseiller municipal dans l'opposition.
 Mais de façon générale, l'orientation unitaire est relativement bien acceptée, d'autant plus dans les Landes qu'elle porte ses fruits dès l'élection législative de 1973. Lors du scrutin, un seul député socialiste, Henri Lavielle, est élu, aux côtés des députés de droite Mirtin et Jean-Marie Commenay. Pourtant, en juillet, l'élection de Mirtin à Mont-de-Marsan est invalidée et un nouveau scrutin est organisé en septembre. Lors de ce scrutin, le candidat socialiste Roger Duroure, instituteur et conseiller municipal de Moustey, est élu face à Mirtin. Les Landes envoient donc à nouveau deux députés socialistes sur trois à l'Assemblée nationale. Cette victoire retardée à Mont-de-Marsan est la dernière impulsion à la dynamique victorieuse qui se concrétisera dès la fin des années 1970. En 1976, Henri Lavielle est élu Président du Conseil général. Ainsi, après la présidence de Charles Lamarque-Cando entré en dissidence, puis celle du radical René Coudanne, l'assemblée départementale échoit à nouveau aux socialistes " légitimistes ", qui retrouvent là l'un de leurs plus solides et anciens bastions. Enfin, en 1978, l'ensemble de la représentation landaise est conquis par le Parti socialiste.
Henri Lavielle et Roger Duroure conservent leur mandat, tandis que dans la 3e circonscription s'impose une nouvelle figure du socialisme landais, celle de Henri Emmanuelli, qui reprend le siège détenu depuis 1958 par Jean-Marie Commenay. Avec cette victoire électorale confirmée en 1978, les Landes s'ancrent durablement dans le giron socialiste, tant au plan local que du point de vue de leur représentation nationale.
Cette nouvelle stabilité est sans conteste le fruit d'une histoire longue, qui court sur tout le XXe siècle. A partir de l'entre-deux guerre, le socialisme landais a en effet mené un travail constant auprès de la population locale en même temps qu'il a su s'adapter à ses attentes sociales et politiques. Il a même su conquérir plus rapidement et plus durablement qu'ailleurs en France cet équilibre instable entre société locale et représentation politique, sans doute grâce à une configuration économique et sociale particulière, mais aussi grâce à un travail politique pertinent, notamment dans les années trente et aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale.
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