Vers les Landes d'aujourd'hui
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2. La difficile affirmation d'une identité politique landaise

2.1. Une victoire inachevée : difficultés du socialisme landais (1958-1973)

Depuis l'entre-deux guerre, le département des Landes s'affirme de plus en plus comme une terre largement acquise au socialisme français. Pour autant, cet ancrage n'est nullement exclusif et à la fin des années cinquante puis au cours des années 1960, il connaît certaines difficultés. La première de ces difficultés est en fait l'écho de la crise politique nationale qui frappe la France à la fin des années 1950, autour de la Guerre d'Algérie et de la crise des institutions de la IVe République. Depuis la chute du gouvernement du socialiste Guy Mollet en mai 1957, deux gouvernements se succédent en moins d'un an, avec à leur tête les radicaux Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard. Enfermés dans le conflit algérien et déstabilisés par la désagrégation de la majorité de gauche, ces deux gouvernements ne furent pas en mesure de répondre à la crise institutionnelle et politique qui se développe dans le pays. Cette crise atteint son apogée le 13 mai 1958 lorsque l'investiture du M.R.P. Pierre Pfilmin à la présidence du conseil provoque la réaction violente des partisans de l'Algérie française. Ces derniers voient en effet dans les positions libérales de Pfilmin celles d'un partisan de l'indépendance de l'Algérie et lui opposent une réaction à la fois confuse et violente. Ainsi, à Alger naissent des " Comités de Salut Public " revendiquant à la fois le maintien de l'autorité française en Algérie et la mise en place d'un pouvoir fort à Paris. Face à ce qui apparaît alors comme une tentative de coup d'Etat, le général de Gaulle revient sur le devant de la scène, adoptant la posture de l'homme providentiel, sauveur de la République. Le 1er juin 1958, il est investi par l'Assemblée nationale des pleins pouvoirs, avec pour mission de concevoir une nouvelle Constitution.


Suivant l'exemple de leur leader Guy Mollet, les deux députés socialistes landais, Charles Lamarque-Cando et Marcel David, votent en faveur des pleins pouvoirs. Tous deux seront pourtant battus lors des élections législatives de novembre 1958, tout comme le député communiste Jean Lespiau.


En effet, aux lendemains de la crise de mai, le paysage politique français est balayé par un véritable raz-de-marée gaulliste. En septembre, la nouvelle constitution soumise aux Français par référendum est adoptée à près de 80 %. Dans les Landes, ce sont plus de 83 % des votants qui se prononcent en faveur du projet constitutionnel gaulliste, et les " Non " sont inférieurs en nombre aux votes en faveur du candidat communiste Jean Lespiau en janvier de la même année. L'hégémonie se confirme quelques semaines plus tard, en novembre 1958, lors des élections législatives, qui voient la représentation des Landes ramenée à trois députés (insérer la carte des circonscriptions 1958-1986 sur le site CG). Pourtant, à l'issue du premier tour, la S.F.I.O. se maintient au-dessus de la moyenne nationale avec un score de 23 % des inscrits sur l'ensemble du département, tandis que dans toutes les circonscriptions, le P.C.F. recule, ne dépassant pas 11 % des inscrits. Marcel David et Charles Lamarque-Cando sont toutefois battus, le premier à Mont-de-Marsan face à Robert Besson et le second à Aire-sur-l'Adour, face à l'indépendant Jean-Marie Commenay, qui rejoindra ensuite les rangs de la majorité gaulliste. A Dax, le socialiste Dussarthou est lui battu par l'U.N.R. Max Moras. À Mont-de-Marsan, comme à Dax, il convient de préciser que les candidats socialistes ont sans aucun doute été pénalisés par le maintien des candidats communistes, qui toutefois n'explique pas à lui seul la victoire gaulliste.


À l'échelle des Landes comme au plan national, les résultats des élections législatives de novembre 1958 doivent en effet être rapportées à leur caractère exceptionnel. En affirmant leur confiance dans la figure du général de Gaulle face à la gravité de la crise politique et institutionnelle, bon nombre d'électeurs ont sans doute moins exprimé leur adhésion au projet gaulliste que leur inquiétude et leur choix de la stabilité. C'est ainsi que dans les Landes, seule la représentation nationale échoit aux gaullistes, tandis que les bastions socialistes, et en premier lieu le Conseil général, ne sont pas déstabilisés. La base de l'organisation et son implantation ne sont finalement que peu touchées et à l'échelle des Landes, la victoire gaulliste de 1958 semble finalement n'être qu'une parenthèse, puisque dès la législature suivante, lors des élections de novembre 1962, les Landais envoient à nouveau à l'Assemblée deux députés socialistes, Lamarque-Cando et Dussarthou, aux côtés du gaulliste Jean-Marie Commenay.


Toutefois, la crise de 1958 continuera de faire sentir ses effets indirects sur le socialisme landais, puisqu'à partir des années 1960, ce dernier sera mis à mal par les difficultés qui touchent le mouvement à l'échelle nationale, et en particulier par les divisions du mouvement socialiste.
Le symptôme le plus visible des tensions au sein de la gauche est sans doute la création en avril 1960 du Parti Socialiste Unifié (P.S.U.). Cette nouvelle organisation regroupe rapidement un nombre relativement important de militants, mais devient surtout le creuset d'une multitude de courants opposés d'un côté au socialisme de gouvernement de la S.F.I.O. et de l'autre au P.C.F., stigmatisé pour son attachement au modèle soviétique stalinisé. Lors de la fondation du P.S.U., une fédération des Landes est créée avec à sa tête Pierre Cazaban, instituteur originaire de Luxey, ancien secrétaire fédéral du Parti Socialiste Autonome (P.S.A.). La nouvelle fédération s'appuie sur les anciennes structures du P.S.A., qui s'est directement fondu dans le P.S.U., et l'on retrouve parmi ses responsables tous les principaux animateurs de cette organisation dans le département. On le voit à travers le profil de ses premiers militants et responsables, à l'image de son premier secrétaire fédéral, et de son successeur Paul Cabannes, professeur de lycée, militant socialiste issu du mouvement des Etudiants Socialistes et ancien secrétaire adjoint de la fédération landaise du Parti Socialiste Autonome (P.S.A.), ou encore pour le cas d'André Gaudineau, inspecteur central de l'enregistrement, membre fondateur du parti à Mont-de-Marsan et secrétaire de la section locale du P.S.U. après avoir été secrétaire de la section P.S.A..


A côté de l'engagement de ces militants directement issus des courants fondateurs du parti, le Parti Socialiste Unifié est également dans les Landes le lieu du repli stratégique d'un certain nombre de responsables socialistes en rupture avec la S.F.I.O., ce qui permet à l'organisation de disposer de certains points d'appui locaux. Robert Labeyrie est ainsi le premier responsable landais d'envergure à rejoindre les rangs du P.S.U.. En 1951, accusé par la fédération de sympathies communistes, ce dernier n'a pas été réinvesti pour les élections municipales et a donc démissionné de la S.F.I.O. avant de se faire élire maire de Pontonx-sur-Adour en tant que socialiste indépendant. Réélu maire en 1959, il rallie le P.S.U. au début des années 1960 et est à nouveau élu, cette fois sous l'étiquette P.S.U., en 1964. Il représente également l'organisation au Conseil général, en tant qu'élu du canton de Tartas-Ouest. Il sera rejoint en 1963 par un autre éminent socialiste landais, Marcel David, ancien conseiller général et député des Landes, qui avait été exclu par la fédération S.F.I.O. en 1960 pour avoir présenté une liste socialiste dissidente, lors des élections municipales de Mont-de-Marsan en mars 1959. Toutefois, Marcel David n'a qu'une activité militante limitée au sein de la fédération P.S.U..


À maints égards, la configuration sociale, politique et électorale des Landes en fait une région favorable à un socialisme plus " traditionnel ", organisé sur la base de réseaux locaux et sur des thèmes politiques forts mais relativement modérés. Or, comme le montre le profil de ses principaux responsables, la fédération landaise reproduit les logiques de recrutement du P.S.U. dans son ensemble et attire beaucoup d'enseignants, ainsi que diverses professions tertiaires supérieures. Ceci explique que de façon générale, ce parti n'a qu'une audience limitée dans le département. Toutefois, son existence traduit les tensions qui existaient au sein du socialisme français à cette époque.


Dans les Landes, d'autres conflits politiques et personnels se font ainsi jour, et tous ne sont pas résolus par l'adhésion au P.S.U.. On peut illustrer cette situation par le cas de Pierre Blanquie, conseiller général S.F.I.O. depuis 1945, qui démissionne de la S.F.I.O. en 1965 après le refus de la fédération de lui donner l'investiture pour les élections sénatoriales. Il continue de siéger et d'être élu dans les années suivantes sous l'étiquette " socialiste indépendant ". Cet exemple vaut moins pour les conflits qu'ils sous-entend que parce qu'il démontre la possibilité pour certaines figures d'exister pleinement en dehors de toute structure partisane, et notamment en dehors de la S.F.I.O.. De 1959 à 1965, la fédération S.F.I.O. des Landes est placée sous l'autorité de Henri Lavielle. Ce dernier se consacre exclusivement à la direction politique de l'organisation jusqu'en 1965, date à laquelle il est élu maire de Saint-Paul-les-Dax puis conseiller général de Dax-Nord en 1966 et député en 1967. A partir de 1966, il devint le secrétaire de la Fédération de la Gauche Démocratique et Socialiste (F.G.D.S.) des Landes, poursuivant son travail de direction politique du socialisme landais. Les démarches unitaires de la période de la fin des années 1960 connaissent un certain succès auprès de la population landaise. Henri Lavielle lui-même est élu dans la 2e circonscription, à Dax, avec un score plus confortable que son prédécesseur Dussarthou et surtout après un excellent score au 1er tour. De même, Charles Lamarque-Cando est réélu à Mont-de-Marsan avec score de plus de 38 % au 1er tour, soit quatre points de mieux qu'en 1962. De façon générale, la gauche non communiste continue de progresser et réalise un excellent score en atteignant près de 28 % des inscrits au 1er tour.


Pourtant, ce succès ne sera que de courte durée. Tout comme dix ans plus tôt, la France et les Landes sont emportées par un nouveau raz-de-marée électoral de la majorité gaulliste lors des élections législatives anticipées de juin 1968. Les causes de ce résultat sont bien sûr à rechercher dans les événements du printemps, et notamment dans le mouvement social de mai 1968. Au cœur de l'agitation, les tentatives unitaires éclatent, aussi bien entre socialistes et communistes qu'au sein même de la F.G.D.S.. Dans les Landes, la mobilisation sociale est restée limitée, du fait des difficultés économiques et sociales que connaît alors le département. On assiste donc pas à une forte mobilisation politique et sociale en faveur des partis de gauche, tandis qu'à l'inverse le réflexe de stabilité profite à nouveau à la majorité gaulliste. Tout comme en 1958, Charles Lamarque-Cando perd son siège de député et Henri Lavielle devient le seul député socialiste landais, aux côtés des gaullistes Jean-Marie Commenay et Mirtin.


Il y a dans la situation politique des Landes dans les premières années de la Ve République une forme de paradoxe. Alors que le socialisme apparaît solidement ancré dans la vie politique locale, jusqu'au début des années 1970, il ne parvient finalement pas à conquérir durablement la représentation nationale. Ainsi dans les Landes, des bastions municipaux puissants se maintiennent autour de figures fortes, de même que l'unité parvient à se faire au niveau du Conseil général autour de la personnalité d'Olivier Caliot. Pour autant, les échos de la division du mouvement socialisme nationale et les conflits de personnes ne permettent pas de consolider ces acquis et de créer la dynamique nécessaire pour remporter les élections législatives. Comme on peut le voir dans la période suivante, il ne manque au socialisme landais que l'unité, dans ses rangs et avec les autres forces de gauche, pour s'affirmer définitivement dans le département.
 
 

 



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