La Quatrième République
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3. La question du métayage

3.1. La lutte pour la modification du statut du métayage

Grâce au contexte politique issu de la guerre, favorable aux partis de gauche, les revendications des métayers sont entendues par les autorités politiques qui se mettent en place à la Libération. Le statut du fermage promulgué le 17 octobre 1945 précise que tout bail à colonat paritaire doit être converti en bail à fermage si le propriétaire ou le colon en fait la demande. Sensibles à cette avancée, les métayers regrettent cependant que la question des redevances ne soient pas abordée : alors que leur suppression est l'une de leurs principales revendications, l'ordonnance maintient ce privilège. Suite à la promulgation de ce statut, un vaste mouvement syndical s'enclenche dans les campagnes françaises et landaises afin d'obtenir la conversion des baux en baux de fermage.


Les résultats des élections du 21 octobre 1945 très favorables aux formations de gauche confortent la volonté des métayers de convertir les baux. Néanmoins les propriétaires font pression pour décourager les demandes de conversion des baux de la part de leurs métayers. Lors d'une réunion à Dax, ils décident ainsi de toute une série de mesures pour contrer l'influence de la C.G.A. et la mobilisation des métayers. Ces mesures sont rendues publiques par un article de Marcel Veyrier dans La Gironde Populaire, le quotidien régional du P.C.F..


Cet article s'inscrit dans une vaste action de sensibilisation de la C.G.A., du P.C.F. et de la S.F.I.O. qui vise à renforcer la détermination des métayers. Beaucoup prennent alors conscience que la lutte peut peser sur leur statut, que la pression populaire est susceptible de profondément améliorer la situation de la paysannerie. La C.G.A. organise de nombreuses assemblées locales ou cantonales au cours desquelles les syndicalistes encouragent les métayers à demander la conversion. Les mobilisations sont surtout très importantes lors des procédures judiciaires intentées aux métayers en conflit avec leurs propriétaires. Les paysans arrivent en masse aux différents procès, ils s'opposent aux condamnations touchant des métayers qui refusent de verser certaines parties de la redevance. Le 1er décembre 1945, la C.G.A. organise par exemple une réunion sous la halle à Dax consacrée à ce sujet. Il s'agit de trouver les moyens pour contrer les propriétaires qui, en donnant congé à leur métayer, leur ôtent leur droit à la conservation des baux.


A l'Assemblée nationale constituante, les députés paysans communistes, socialistes et chrétiens-démocrates profitent de leurs nouvelles positions politiques pour mettre en œuvre des éléments du programme de la résistance, favorables aux métayers. Le 20 décembre 1945, une série de projets de loi concernant le métayage est déposée, à l'initiative du P.C.F. et de la S.F.I.O. essentiellement. Tous visent à modifier ou à compléter l'ordonnance du 17 octobre dans le sens de la disparition du métayage. Mais, sur le terrain, les propriétaires continuent de multiplier les congés et d'exercer une forte pression sur les métayers, profitant du fait que les redevances n'ont pas été supprimées. Ainsi à Gaujacq, 55 métayers sur 60 se voient signifier leurs congés. Néanmoins, il faut souligner que quelques propriétaires " éclairés " acceptent la conversion.


Le 28 février 1946, le congrès de la C.G.A. des Landes à Dax réaffirme la nécessité d'une nouvelle loi pour infléchir encore l'ordonnance du 17 octobre dans le sens de la conversion. Dans le prolongement des déclarations du congrès, entre 5 000 et 8 000 personnes assistent le 24 mars à un meeting du socialiste François Tanguy-Prigent, Ministre de l'Agriculture, aux arènes de Mont-de-Marsan. L'assistance signe en masse une pétition en faveur de la conversion des baux. A Paris, avec Waldeck Rochet, le président communiste de la commission de l'agriculture, il œuvre pour que soit votée une nouvelle loi avant que le mandat de l'Assemblée constituante n'arrive à son terme, c'est-à-dire avant le 30 avril 1946.


La loi n° 46-682 sur le statut du fermage et du métayage est adoptée le 31 mars 1946 finalement votée le 14 avril 1946 à l'unanimité des députés composant l'Assemblée nationale constituante. Elle trouve son origine dans l'activité de la commission de la justice et de la législation générale, qui ont travaillé en étroite collaboration avec la commission nationale du fermage et du métayage de la C.G.A. dans laquelle le landais Gilbert Pénicaut tient un rôle important. Lors des débats parlementaires, trois députés landais, le chrétien-démocrate Joseph Dufos du Rau, le socialiste Charles Lamarque-Cando et le communiste Félix Garcia jouent un rôle actif. La nouvelle loi encourage en particulier la conversion du métayage en fermage, elle établit des baux de 9 ans reconductibles, sauf si le propriétaire veut reprendre son exploitation, et elle donne le droit de préemption au fermier en cas de vente.


Après la promulgation du statut, les syndicalistes se posent en défenseurs des nouveaux droits des métayers, notamment devant les différents tribunaux qui se mettent en place. Le 16 juin 1946, se déroulent en effet les élections des tribunaux paritaires des cantons d'une part et des trois arrondissements des Landes d'autre part. Ces instances sont composées de deux preneurs de baux (C.G.A.) et de deux bailleurs (syndicats de la propriété foncière) et éventuellement de suppléants. Les tribunaux cantonaux sont présidés par le juge de paix, et les tribunaux d'arrondissement par le président du tribunal civil. Au cours de l'été, la commission consultative des baux ruraux se réunit afin de fixer les baux types destinés à remplacer les baux de métayage convertis. Les discussions sont houleuses car, en face des syndicalistes de la C.G.A., les propriétaires essaient de développer une interprétation de la loi qui leur soit favorable.


Le 9 juillet, les membres de la Commission Administrative de la C.G.A. se réunissent à Mont-de-Marsan, en présence de tous les membres des tribunaux paritaires, afin de déterminer la stratégie à adopter et les moyens de faire connaître la nouvelle loi afin que les membres des tribunaux paritaires puissent remplir au mieux leur tâche. Lors de cette réunion, les syndicalistes décident d'organiser les preneurs de baux au sein de sections spécifiques, aptes à traiter leurs problèmes. Cet objectif est réalisé le 14 septembre 1946, avec la constitution dans la salle de l'Atrium de Dax de la section départementale des preneurs de baux ruraux de la C.G.A.. Le trésorier de la C.G.A., Félix Labat est élu président de la nouvelle structure tandis que Gilbert Pénicaut en dévient le secrétaire général. Le 20 septembre, la section nationale des preneurs de baux ruraux est fondée à Paris, elle regroupe les différentes sections départementales, et le Landais Gilbert Pénicaut est élu à sa vice-présidence.


A travers les syndicats des preneurs de baux ruraux, les militants paysans engagent des actions de masse afin que soit convenablement appliqué le nouveau statut, avec en particulier le partage des bénéfices aux deux tiers et le droit de reprise. En parcourant les campagnes landaises, les syndicalistes informent les métayers de leurs nouveaux droits et les mettent en garde contre les actions des propriétaires visant à éviter l'application du nouveau statut. Ils s'opposent ainsi directement au syndicat de la propriété foncière qui multiplie les mises sous séquestres des récoltes de 1945 et les congés afin d'empêcher les droits de reprise.


Les militants et les responsables de la C.G.A. multiplient en particulier les interventions en faveur des preneurs dans les tribunaux paritaires cantonaux qui commencent réellement à fonctionner au début du mois de juillet 1946. Rapidement débordés par les demandes et les conflits, ces tribunaux sont obligés de siéger chaque semaine alors que les propriétaires tentent de faire casser les demandes de conversion, d'obliger le partage des récoltes et d'autoriser la rupture de bail par un droit de reprise de l'exploitation.


Rapidement une différence apparaît entre les tribunaux de l'arrondissement de Mont-de-Marsan et de Saint-Sever et ceux de l'arrondissement de Dax. Ces derniers tranchent en effet souvent en faveur des bailleurs, à l'inverse des premiers, plutôt favorables aux métayers. Devant la complexité juridique de la situation, la C.G.A. fait appel à des hommes de loi susceptibles de pouvoir au mieux défendre les droits des métayers. Ils mènent d'importantes luttes légalistes. Lorsque les bailleurs refusent les demandes de conversion en fermage en affirmant vouloir exploiter eux-mêmes la terre, les preneurs sollicitent les tribunaux pour l'application de la loi.


Cette action juridique de la C.G.A. s'accompagne d'un important mouvement de masse, avec l'organisation d'imposantes manifestations paysannes destinées à faire pression sur les propriétaires et les autorités publiques. Il y a ainsi 6 000 personnes à Biandos le 21 juillet 1946, et 8 000 personnes à Pouillon le 23 juillet 1946. La bataille pour l'application du statut est marquée par des manifestations énormes mais aussi des occupations de fermes qui répondent aux expulsions des métayers. Les paysans en lutte sont confortés par une lettre de François Tanguy-Prigent, datée du 18 juillet 1946, qui confirme l'esprit de la loi. Selon ce document, les preneurs ayant demandé la conversion sous le régime de l'ordonnance du 17 octobre 1945, doivent être considérés comme fermiers à partir du 11 novembre 1945. Par ailleurs Waldeck Rochet nomme Charles Lamarque-Cando comme rapporteur pour améliorer la loi sur les baux à ferme, votée le 26 mars 1947.


Néanmoins, à l'échelon local, des propriétaires oeuvrent toujours pour empêcher les conversions. Confrontée à plusieurs situations de blocage, la CA de l'UD-C.G.A., réunie à Dax le 10 août 1946 décide à l'unanimité que les assesseurs des tribunaux paritaires refuseront de siéger en cas de litiges sur la date de départ des conversions, sur le droit de reprise abusif et sur les redevances et corvées. Les leaders syndicalistes lancent également un appel pour une manifestation à Dax le 14 septembre, appel qui est largement entendu car 7 000 personnes défilent.


Après la publication des baux types par la préfecture le 10 octobre 1946, la C.G.A. les imprime en nombre pour que les fermiers et les métayers puissent en disposer. Les propriétaires profitent de cette publication pour réclamer que seuls les baux pris après la parution des contrats types soient considérés comme fermage, ce qui implique que le partage de la récolte de 1946 est maintenu. Les luttes sont relancées…
 
 

 



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