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4. Les Landes forestières
4.4. Les dernières luttes des ouvriers résiniers
Malgré ce contexte de déclin du gemmage, les syndicats des ouvriers résiniers poursuivent leur activité car la corporation est forte d'une longue tradition d'auto-organisation et de luttes collectives. La mobilisation des métayers résiniers se replie cependant sur des positions de plus en plus défensives. Si les propriétaires maintiennent leur refus de modifier le statut des métayers, ceux-ci sont désormais prêts à partir et, à l'inverse des périodes précédentes, beaucoup se résignent à l'exil.
La solidarité syndicale entre ouvriers résiniers et métayers agricoles, qui ont les mêmes racines rurales, est toujours forte lors des luttes sociales ou des catastrophes climatiques. En 1949, la C.G.A. appelle au soutien massif des ouvriers de la forêt, suite aux incendies, tandis que la fédération syndicale des gemmeurs proteste officiellement contre les expulsions des métayers chalossais au cours des conflits qui les opposent à leurs propriétaires lors de l'application du statut du métayage et du fermage de 1946. Ancrées toutes les deux à gauche, la Fédération des gemmeurs et métayers du Sud-Ouest (C.G.T.) et la Fédération des Syndicats agricoles (C.G.A.) unissent leurs forces pour contrer la F.D.S.E.A. lors des élections à la Chambre d'Agriculture et à la Mutualité Agricole.
En 1953, les syndicats de gemmeurs trouvent un regain d'activité : ils déclenchent une grève générale en début de campagne car les propriétaires refusent d'accéder à leurs revendications salariales. Le 21 février, à Morcenx, 5 000 gemmeurs réunis décident de ne pas commencer à résiner avant le 10 mars. La grève est suivie de façon très disciplinée et massive mais sans grand enthousiasme. Le 10 mars, une importante manifestation se déroule à Mont-de-Marsan aux arènes avec environ, 5 000 participants.
L'agitation des gemmeurs s'élargit et les sylviculteurs, vers lesquels les discours de Charles Prat s'ouvrent, formulent également des revendications. Le syndicat des sylviculteurs, qui s'est reconstitué avec comme Président Verhille, maire de Budos, demande à revenir à une convention datant 1945 qui prévoyait à l'intérieur de l'Union Corporative des Résineux (U.C.R.) le partage à moitié du prix de vente des produits résineux, avec une différence de 3,52 F en faveur du gemmeur. Cette différence était prise sur la part du propriétaire.
Entrés en grève sans avoir préparé les pins, les gemmeurs obtiennent, avec l'arbitrage du conseiller d'Etat, Faugère, sollicité par le syndicat des sylviculteurs, que leur part atteigne 57,5 % du prix de revient total à la production. Le sylviculteur reçoit le reste. Rendu en fin de campagne, en septembre 1954, cet arbitrage améliore la situation du partage du prix de la gemme mais le statut de salarié, revendication centrale des gemmeurs, n'est toujours pas obtenu. Les gemmeurs acceptent difficilement cette décision et les sylviculteurs ont du mal à faire appliquer l'arbitrage. Ce n'est qu'au milieu de l'année 1955, qu'une nouvelle réunion de sylviculteurs permet d'entériner les conditions de cet arbitrage. Mais il y a de telle réserve que le président, Verhille, donne sa démission ; il est alors remplacé par Courregelongue.
L'action syndicale perd cependant de son efficacité car les métayers désertent leur métier dévalorisé. Une manifestation a lieu le 1er mai 1956 à Morcenx, au cours de laquelle les gemmeurs réclament des compensations pour leur manque à gagner dû au froid de l'hiver précédent. Il s'agit de l'un des derniers sursauts des gemmeurs. A chaque action, les grandes manifestations des années 1930 sont dans toutes les mémoires mais l'ampleur du mouvement social de l'après guerre n'atteint jamais l'intensité des luttes passées et exprime plutôt un dernier baroud d'honneur.
Il est important de remarquer que l'action syndicale des gemmeurs s'est davantage tournée contre les pouvoirs publics après la Deuxième Guerre mondiale qu'en direction des propriétaires. On le voit notamment lors de la grève de 1953, au cours de laquelle l'arbitrage de l'Etat est sollicité et au cours de la manifestation de 1956, où les syndicats s'adressent directement aux pouvoirs publics. A chaque congrès de la Fédération des métayers et gemmeurs du Sud-Ouest, les délégués regrettent d'une manière générale le désintéressement des pouvoirs publics.
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