La Quatrième République
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1. La gauche politique sort renforcée de la guerre

1.6. Les communistes

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste bénéficie en France d'une aura nouvelle. Fort de son rôle dans la résistance, il trouve logiquement sa place dans le nouveau paysage politique qui se dessine à la Libération, appuyant auprès de l'opinion publique l'image du " parti des fusillés " et le prestige acquis par l'U.R.S.S. dans le conflit. Après une période de flottement où l'on voit poindre la menace d'un double pouvoir opposant l'Etat français restauré par les gaullistes aux instances issues de la résistance et dominées par les communistes, ces derniers se rallient à la nouvelle république. Aujourd'hui encore, il est difficile de déterminer si ce choix fut un pis aller devant l'impossibilité de la conquête du pouvoir ou s'il répondait aux aspirations de la direction politique du parti et de ses tuteurs soviétiques. Il permit en tout cas au P.C.F. de se transformer en parti de gouvernement, d'abord dans le gouvernement provisoire, puis jusqu'en 1947 dans les différents gouvernements issus des élections législatives d'octobre 1945 dans lesquels siègent sept ministres communistes. Dans les Landes, le prestige du parti s'attache particulièrement à des personnalités comme Jean Lespiau ou Vital Gilbert, militants communistes et résistants. Comme partout en France, les effectifs du parti connaissent un essor très rapide. Ainsi, alors qu'on ne recensait que 200 militants communistes dans le département en 1944, on en compte 1 059 en décembre de la même année, plus de 2 500 en avril 1945, 4 500 en 1946 et 4 700 en 1947. Mais cet essor ne suffit pas à concurrencer l'influence des socialistes. Déjà mieux implantés avant la guerre, ces derniers ont largement contribué à la mobilisation contre l'occupant et comptent dans leur rang de très nombreux et très influents responsables de la résistance, comme Charles Lamarque-Cando. La concurrence et l'hostilité qui existent au plan national entre les deux organisations se trouvent même exacerbées dans les Landes par les conflits nés dans la résistance, les communistes reprochant aux socialistes, tout comme aux gaullistes, de ne pas leur avoir apporté le soutien de leurs réseaux. On rencontre toutefois plusieurs cas de militants socialistes rejoignant les rangs communistes, comme Arnaud Larrue, syndicaliste métayer dans les années 1930 à Sore, qui porta son adhésion au P.C.F. à la Libération.


A la Libération, les communistes landais sont confrontés à de multiples enjeux. Certes, la croissance rapide et soutenue de leurs effectifs assoit un peu plus leur implantation dans le département, mais il leur faut également reconstruire une organisation décimée par la répression qui s'est abattue sur eux depuis 1939. Certaines des positions conquises avant la guerre sont rapidement regagnées par le parti. Albert Castets, déchu de son mandat de maire-adjoint de Tarnos pour son soutien au pacte germano-soviétique en octobre 1939, est ainsi élu maire lors des élections municipales d'avril-mai 1945, avant de redevenir adjoint en 1947. Mais la question essentielle qui se pose alors est de trouver une nouvelle direction à la fédération des Landes, privée de son ancien secrétaire André Moine, affecté à une autre région par la direction du parti. On fait donc appel à des militants issus de la région. Deux personnalités, Vital Gilbert et Félix Garcia, sont ainsi mises en avant. A cette époque, Vital Gilbert est sans doute le militant le plus connu et le plus apprécié par la population landaise. Ancien combattant de la Première guerre mondiale et grand mutilé de guerre, il a été l'un des principaux responsables du département dans les années 1930 et a largement contribué à l'implantation du P.C.F. dans le Bas-Adour. Sa participation à la résistance, par la reconstruction de l'organisation communiste clandestine puis dans les F.T.P.F. et dans la constitution du Comité Départemental de Libération, ainsi que son rôle actif au sein du syndicalisme paysan, en font une figure respectée et appréciée. Homme de terrain rompu au travail militant et aux campagnes électorales, il est élu conseiller municipal de Soorts-Hossegor et conseiller général de Saint-Martin-de-Seignanx. Seule ombre au tableau, sa participation aux commissions d'épuration, qui lui avait attiré certaines inimitiés et lui vaut de ne figurer qu'en deuxième place sur la liste présentée par le P.C.F. lors des législatives de 1945. Avec Félix Garcia, la direction communiste mise sur une personnalité quelque peu différente. Tout comme Vital Gilbert, Félix Garcia se présente auréolé de son action dans la résistance. Mais il s'agit d'un militant beaucoup plus jeune - 36 ans - et surtout totalement inconnu localement. Il est rapidement contesté pour ses origines espagnoles et pour son passé de boxeur. La liste communiste aux législatives d'octobre 1945 compte également deux autres militants, Henri Sègues, peintre, et Paul Bourden, métallurgiste et résistant. En retrait par rapport à sa moyenne nationale, la liste obtient cependant 16 % des voix avec une forte audience dans les campagnes du Bas-Adour et de la Chalosse occidentale.


Malgré l'hégémonie de plus en plus affirmée des socialistes sur le plan local, les communistes landais parviennent progressivement à établir leurs positions dans la population landaise en s'appuyant sur deux catégories sociales qui ont à mener de dures batailles dans la seconde moitié des années 1940 : les ouvriers des forges et les métayers du Sud du département. Depuis les années 1920, les ouvriers des Forges de l'Adour étaient majoritairement acquise au P.C.F. et plus encore, cette appartenance politique était devenue l'une des composantes essentielle de l'identité de cette communauté. La force et l'enracinement du communisme dans la zone de Boucau et Tarnos avaient d'ailleurs survécu à la terrible répression qui s'était abattu sur les militants communistes issus des forges pendant l'Occupation. De 1945 jusqu'à sa fermeture, la section de l'usine des Forges de l'Adour regroupe ainsi 6 cellules d'entreprises, auxquelles il faut ajouter les cellules locales. Aux lendemains de la guerre, la force de l'organisation dans cette entreprise constitue un levier puissant pour le parti qui appelle la classe ouvrière à la mobilisation pour la reconstruction du pays. Menés par la C.G.T. et les militants communistes, les ouvriers des Forges se lancent dans la " bataille de la production ". Toutefois, l'énergie mobilisée pour l'effort de reconstruction ne masque pas longtemps la situation fragile des Forges de l'Adour, qui, en 1947, sont menacées par le plan Monnet. La menace de la fermeture, alors que se font sentir les premières tensions politiques liées à la Guerre froide, n'entame pas les convictions majoritaires chez les ouvriers de Tarnos. Ainsi, la scission de la C.G.T. fin 1947 et la création de la C.G.T.-Force Ouvrière en 1948 restent sans conséquences au sein des Forges.


Malgré les difficultés et du fait de la présence des militants, élus et syndicalistes communistes à la pointe du combat des salariés, le P.C.F. maintient sa position au sein de cette population. Dans le monde rural, les militants communistes jouent un rôle prépondérant dans la reconstruction du syndicalisme paysan landais. A travers la constitution et l'animation de la C.G.A., ils participent en effet activement à la bataille des métayers landais pour la réforme du statut juridique de leur profession. Cette lutte concerne bien sûr l'ensemble des métayers landais mais elle se traduit par un renforcement des communistes dans les zones où ils étaient déjà bien implantés, essentiellement dans le Bas-Adour. Elle contribue également à mettre en avant et à populariser des figures comme celle d'André Bombezin, vice-président de la C.G.A..


Malgré l'influence croissante du parti auprès de ces deux catégories de landais, la liste communiste aux élections de 1951, toujours emmenée par Félix Garcia et Vital Gilbert, auxquels s'ajoutent Yvette Lasserre, institutrice épouse d'un ouvrier tonnelier, et André Miremont, résinier à Sabres et ancien F.T.P.F., décline légèrement en perdant 714 voix sur le scrutin législatif précédent. Surtout le P.C.F. perd son député à cause du système des apparentement, favorable aux formations modérées ayant la capacité de nouer des alliances. Au delà de cette effet institutionnel, avec 22 % des voix, le P.C.F. entame, pour la première fois depuis la Libération, un déclin.


A la lumière de cette régression, les responsables communistes nationaux et locaux opèrent plusieurs réorientations politiques et organisationnelles. La première des mesures suggérées par la direction nationale est l'éviction de Félix Garcia au profit de Jean Lespiau. A travers ce choix, les responsables nationaux maintiennent leur volonté de mettre en avant de jeunes militants, mais cèdent également à la nécessité de choisir un homme plus en phase avec la société landaise. Même si il était alors ouvrier du bois, Jean Lespiau a en effet joué un rôle très actif dans la création de la C.G.A. et représente bien le dynamisme et la combativité du syndicalisme agricole landais. Sur le plan politique et stratégique, la fédération des Landes s'adapte également aux évolutions de l'orientation communiste déjà en gestation. Elle rompt la logique d'opposition frontale avec les socialistes et offre le retrait de ses candidats en faveur des candidats socialistes dès le second tour des élections législatives de 1951.


Ces diverses décisions définissent la stratégie des communistes landais pour la décennie suivante. Au plan national, le parti mobilise un discours politique plus lisse, réactivant le thème de l'union des forces de gauche et tentant de s'ancrer plus avant auprès de populations diverses. Dans les Landes, l'accent mis sur les métayers et fermiers du Bas-Adour est particulièrement sensible et couronné de succès. On en retrouve notamment la trace dans la composition sociale des directions fédérales dans les années 1950. Entre 1953 et 1959, près d'un tiers des élus au Comité fédéral des Landes sont des agriculteurs, la plupart issus du Bas-Adour. Les ouvriers, et notamment les ouvriers des Forges, représentent un contingent de militants sensiblement identique, tandis que les enseignants constituent la troisième catégorie de militants communistes landais. Les gemmeurs sont toujours minoritaires. Il semble finalement que ce soit dans cette période que le communisme landais a su véritablement trouver les appuis qui lui manquaient en dehors des Forges. Le rôle joué par les militants communistes dans le syndicalisme agricole, par le biais de la C.G.A. mais aussi dans les campagnes de mécanisation ou dans la mise en place du système coopératif, permet aux communistes de conquérir un nouveau public et d'asseoir leur implantation dans le département. En 1956, Jean Lespiau est ainsi élu député des Landes, sur une liste également composée de Roger Tauzia, contrôleur des P.T.T., de Roger Feugas, instituteur et ancien F.T.P.F., et d'André Bombezin, vice-président de la C.G.A., dont la notoriété parmi les paysans du Bas-Adour est considérable. Il convient toutefois de faire une remarque sur ces succès du Parti communiste au cours des années 1950. Les populations sur lesquelles s'appuient ces succès sont aussi à l'époque des catégories sociales menacées. Les ouvriers des Forges mènent un combat incessant contre la fermeture de leur entreprise, tandis que les paysans du Bas-Adour subissent de plein fouet les mutations de leur activité, sous les effets conjugués de la modernisation de l'agriculture et de l'exode rural. Ainsi, on peut avancer que les communistes landais se font surtout porte-parole de catégories sociales ou de communautés en crise dans une époque de modernisation économique accélérée. Ces succès sont donc encore très fragiles et masquent d'une certaine façon le caractère défensif des positions des communistes et de leurs soutiens populaires locaux.
 
 

 



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