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1. La gauche politique sort renforcée de la guerre
1.3. Les radicaux et modérés
Avec la consécration de la domination politique des socialistes après la guerre, la fédération radical-socialiste des Landes, en déclin depuis les années 1930, s'effondre. Pour beaucoup de Landais, les radicaux sont perçus comme étant les responsables de la défaite de 1940 et certains sont soupçonnés de collaboration avec l'occupant. Ainsi le député Robert Bézos, élu en avril 1936, dans la première circonscription de Mont-de-Marsan est-il rendu inéligible pour avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain le 11 juillet 1940.
A la Libération le courant radical n'a plus de leadership. Après le décès de Léo Bouyssou qui a amené les radicaux-socialistes à leur apogée électorale avant-guerre, Robert Lassale, le député de la circonscription de Dax, a pris en charge les destinés du parti dans le département mais il est tué sur le front en 1940. Après la guerre, c'est un vieux militant sans notoriété départementale, Olivier Caliot, qui est alors élu à la tête de la fédération radical-socialiste reconstituée. Engagé volontaire pendant la Première Guerre mondiale, cet industriel est maire de Messanges depuis 1925. En 1945, il est élu au Conseil général pour le canton de Soustons.
Alors que le parti radical-socialiste se reconstitue, une fédération du Rassemblement des Gauches Républicaines (RGR) est créée en 1946 par les militants d'inspiration radicale comme Henri Monnet, et d'autres radicaux forment avec Pierre Grenade une Union Gaulliste, qui préfigure le R.P.F. créé officiellement en 1947. Compromis par la guerre et les échecs de la Troisième République, les radicaux essaient par ces créations organisationnelles de renouveler leur formation politique et de retrouver une audience parmi les notables locaux.
Affaiblis et divisés, les radicaux sont dans l'obligation d'établir des alliances électorales pour survivre politiquement. La fédération radical-socialiste se rapproche du R.P.F. et du RGR et cette coalition obtient de bons résultats lors des élections municipales de 1947. Le radical-socialiste Robert Besson, animateur du R.P.F., devient en effet maire de Mont-de-Marsan à la place du socialiste Marcel David. En 1949, la reconduction de ces alliances permet aux radicaux de retrouver la majorité au Conseil général : Olivier Caliot, conseiller général de Soustons depuis 1945, devient le président de l'assemblée départementale.
Malgré ces coalitions conjoncturelles et localisées, le courant radical landais reste éclaté et ne parvient pas à surmonter ses divisions en définissant une ligne politique claire. A l'image de Robert Besson, la majorité des radicaux souhaite une alliance avec les modérés et les gaullistes tandis qu'une minorité, notamment des militants de Dax, penche pour un rapprochement avec la S.F.I.O.. Parmi ces derniers, Camille Labat, vice-président de la fédération radical-socialiste, est en retrait du parti depuis 1946 à cause précisément de sa volonté d'une alliance à gauche alors que la majorité des dirigeants a opté pour le centre-droit de l'échiquier politique. Camille Labat est donc le chef de file d'une orthodoxie radicale qui puise ses racines dans l'entre-deux-guerres. Le courant interne d'opposition qu'il anime s'appuie sur un hebdomadaire La Voix des Landes tandis que l'organe de presse du RGR, plus à droite, est la Démocratie landaise, un hebdomadaire appartenant à Georges Sansoube.
Progressivement les relations entre radicaux et gaullistes deviennent statutairement problématiques. Les instances nationales du R.P.F. envoient dans le département le général Jean Gilliot en 1949 afin de clarifier l'orientation de la formation gaulliste, puis les directions du R.P.F. et du parti radical-socialiste interdisent la double appartenance politique. Souvent présents dans les deux organisations, les radicaux doivent choisir leur affiliation partisane. En situation délicate, Robert Besson hésite longtemps entre le R.P.F. et le maintien dans le courant radical. Au final, au scrutin législatif de juin 1951, il constitue une liste avec des candidats affiliés au R.P.F. mais affirme toujours son appartenance idéologique au radicalisme.
Du côté de l'orthodoxie radicale, les partisans d'un retour à un ancrage à gauche, avec notamment Camille Labat, gagnent la majorité du parti radical-socialiste. Les délégués de l'assemblée générale du 19 mai 1951 se prononcent en effet à 236 voix contre 196 pour l'apparentement avec la S.F.I.O. et le M.R.P. lors des élections législatives. La liste radicale formée à cette occasion est conduite par Olivier Caliot, suivi de Camille Labat, Edouard Castéra (conseiller général d'Hagetmau, médecin, ancien candidat à la députation en 1936) et de Gabriel Delpuech (maire et conseiller général de Tyrosse, quincaillier spécialisé dans l'outillage agricole).

Soutenu par le journal La Voix des Landes, la liste d'union des gauches républicaines est officiellement présentée par le RGR, le parti républicain radical et radical-socialiste. L'ancien journal du RGR, la Démocratie landaise, appuie cependant le R.P.F. et les radicaux affiliés à ce mouvement. La stratégie de la fédération radicale est efficace car, avec l'effet des apparentements, la liste de Robert Besson n'a pas d'élu alors que les radicaux, apparentés avec les socialistes et les chrétiens-démocrates, portent à l'Assemblée nationale Olivier Caliot qui obtient 16 007 voix pour 126 234 exprimés. Elu, il s'inscrit au groupe parlementaire républicain radical et radical-socialiste.
Cependant le mouvement radical ne se renforce pas et reste divisé entre les partisans du maire de Mont-de-Marsan et le courant " orthodoxe ". Les oppositions éclatent finalement lors du congrès de la fédération radicale-socialiste des Landes, tenu à Soustons les 10 et 11 décembre 1951. Les radicaux orthodoxes, désormais majoritaires, votent un vœu proposant l'exclusion des dirigeants radicaux qui se sont alliés avec les gaullistes et les modérés. La procédure touche Robert Besson, Georges Sansoube, Pierre Deyris (ancien député des Landes et président d'honneur de la fédération) et Gustave Caliot. Cadre de la fédération radicale-socialiste, vice-président du Conseil général, conseiller général de Mimizan et maire de Pontenz-les-Forges, ce dernier, agent d'assurances, figure en effet sur la liste gaulliste de Robert Besson lors des élections législatives de juin.
Ces sanctions heurtent la majorité des élus radicaux et modérés du Conseil général et les exclusions sont temporairement repoussées. Lorsque l'année suivante Pierre Deyris est effectivement exclu, les trois autres sanctionnés ont déjà démissionné. Ce déchirement interne au mouvement radical provoque la constitution d'une nouvelle Fédération départementale du RGR en novembre 1952. Fondée une première fois à l'occasion des deux élections législatives de 1946, la formule initiale de ce mouvement était une formation sans véritable assise qui servait de paravent à la liste radicale-socialiste. Cette deuxième naissance issue des exclusions de la fédération radicale-socialiste repose sur des bases plus solides et cette refondation comble un vide politique qui s'est creusé au centre-droit de la scène politique landaise, même si le nouveau parti se place plutôt officiellement au centre-gauche de l'échiquier politique national.
Neuf conseillers généraux, soit la moitié de la majorité au Conseil général, rallient la nouvelle fédération, parmi lesquels le gaulliste Gustave Caliot, le radical indépendant Bouneau élu dans le canton de Grenade, l'indépendant Lesca, conseiller général de Saint-Martin-de-Seignanx, le modéré Raoul Faget, du canton de Gabarret, ou encore Jean Roumégoux, conseiller général du canton de Pissos. Robert Besson reste volontairement en retrait de la fédération du RGR, tandis que Georges Sansoube est nommé délégué départemental du parti, qui est essentiellement animé dans les Landes par des hommes politiques issus du centre-droit.
Malgré les conditions houleuses de la naissance de la formation, la coalition électorale avec les radicaux est maintenue. Non seulement les motivations électorales priment sur les divergences idéologiques, mais les oppositions internes se réduisent souvent à des divergences d'appréciation sur la stratégie électorale à suivre. En 1953, l'alliance entre ces modérés et les radicaux permet une baisse de l'audience municipale de la S.F.I.O. à leur profit et, grâce au maintien de l'union au sein du Conseil général, la majorité de l'assemblée départementale est conservée en 1955.
La même année, les élus du RGP et de la fédération radicale font liste commune pour les sénatoriales : Robert Besson représente les modérés et E. Neurisse les radicaux. Si les deux candidats sont tous les deux soutenus par le M.R.P., Camille Labat au sein du Parti radical souhaite, comme Pierre Mendès-France au plan national, un rapprochement avec la S.F.I.O. : il exprime son opposition à Robert Besson et se prononce pour une alliance au second tour avec le sénateur socialiste sortant Gérard Minvielle.
Le paysage modéré du centre-droit se complexifie encore en 1955 avec la création du Centre National des Indépendants et Paysans (CNIP) Landais sous l'impulsion de Roger Sargos, ingénieur et propriétaire foncier à Aureilhan. Ce dernier devient le président d'une formation qui n'a aucune base militante et attire principalement des personnalités locales, des notables, comme le docteur Mathio, son secrétaire. En fait, le CNIP a de nombreux appuis parmi les élus municipaux ou cantonaux appartenant au RGR et les deux mouvements, très liés, développent leurs réseaux d'influence en parallèle.
Les élections législatives de 1956 représentent l'aboutissement du lent déclin des radicaux au profit des modérés dont la montée en puissance a été favorisée par les déchirements incessant du parti radical. Aucune liste radical-socialiste ne se présente alors que les modérés forment une liste conduite par Robert Besson suivi de Pierre Bouneau (maire de Grenade et conseiller général, industriel issu des Indépendants), Jean Roumégoux (notaire, conseiller général et maire de Pissos) et Raoul Faget (vétérinaire, maire et conseiller général de Gabarret, affilié au RGR). La fédération radicale perd donc son unique représentant à l'Assemblée nationale alors que Robert Besson est élu député.
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