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1. La gauche politique sort renforcée de la guerre
1.1. Les rapports de forces électoraux
 Le 21 octobre 1945, en même temps que le référendum, les électeurs désignent leurs représentants à la première Assemblée nationale constituante. La plus importante formation politique de l'entre-deux-guerres dans les Landes, le parti radical-socialiste, n'obtient que 9 % des suffrages exprimés et ne peut faire élire un seul député. En effet, comme dans le reste du pays, les trois grandes formations - le parti communiste, le parti socialiste et le Mouvement Républicain Populaire (M.R.P.) regroupant des militants chrétiens - l'emportent facilement. Dans le même temps, l'implantation des radicaux-socialistes s'effondre. Par l'identité politique de ses élus, le département des Landes s'inscrit ainsi dans le tripartisme gouvernemental (P.C.F., S.F.I.O., M.R.P.) qui domine la vie politique française de 1945 à 1947.
Les Landes se singularisent cependant par un vote socialiste accentué lors du scrutin d'octobre 1945 car la moyenne nationale de la S.F.I.O. est de 23 % contre 48 % dans le département qui envoie deux socialistes à la nouvelle assemblée. Les deux élus de la S.F.I.O., Charles Lamarque-Cando, maire et conseiller général de Sabres, et Marcel David, maire et conseiller général de Mont-de-Marsan, ont participé à la Résistance dans la région. Le département est également représenté par le jeune communiste d'origine espagnol Félix Garcia, ne détenant aucun mandat local et jusqu'ici inconnu dans les Landes. Enfin le catholique Joseph Defos du Rau, qui a déjà été député sous la Troisième République, est le quatrième Landais à siéger à l'Assemblée où il est affilié au M.R.P..
Avec deux députés socialistes et un député communiste pour un seul chrétien-démocrate, la gauche domine donc la vie politique locale après la guerre et les Landes deviennent l'un des départements les plus socialistes de France. La S.F.I.O. est en effet en tête dans 26 des 28 cantons du département : seuls ceux de Saint-Martin-de-Seignanx et de Peyrehorade lui échappent, le premier au profit du P.C.F. et le second du M.R.P.. Deux zones de fort vote socialiste se distinguent : la région forestière marquée par une tradition historique de mobilisation sociale des résiniers, et la Chalosse centrale, avec notamment les cantons paysans de Monfort-en-Chalosse et de Mugron.
 Si avec 16 % des voix, le P.C.F. progresse fortement par rapport au scrutin de septembre 1939, son audience reste inférieure à la moyenne nationale qui est alors de 26 %. Les principales terres d'influence communiste sont les campagnes du Bas-Adour et la Chalosse occidentale. Les candidats communistes obtiennent notamment leurs meilleurs résultats dans les cantons de Saint-Martin-de-Seignanx (39 %), où résident de nombreux métallurgistes travaillant aux forges de Tarnos, et de Pouillon (29 %), où ils appuient localement des métayers en conflit avec leurs propriétaires.
 Signe du fort ancrage à gauche du département, l'année suivante, en mai 1946, les électeurs landais acceptent à la majorité (50,5 %) le projet de constitution élaboré par la S.F.I.O. et le P.C.F., alors qu'il est refusé par la majorité des Français (53 %). Les élections législatives de juin 1946 ne modifient pas l'identité des représentants landais à l'Assemblée nationale (Charles Lamarque-Cando, Marcel David, Félix Garcia et Joseph Defos du Rau sont reconduits) et confirment la faiblesse du vote radical (10 %). Les résultats indiquent également une progression de l'audience électorale du M.R.P. (30 %), et surtout du P.C.F. (21 %), notamment dans la région forestière, au détriment de la S.F.I.O. (39 %). Cette dernière reste cependant très largement le premier parti landais et le score socialiste local est toujours supérieur à la moyenne nationale (21 %).
 La constitution de la Quatrième République est enfin adoptée en octobre 1946 et de nouvelles élections reconduisent le mois suivant les quatre députés landais. Le courant communiste se consolide (23 %) dans les zones où le repli socialiste se poursuit (36 %). En revanche, en obtenant 27 %, le M.R.P. cesse de progresser et entame un léger déclin. De leur côté, les radicaux-socialistes opèrent un lent rétablissement en rassemblant 14 % des voix.
Résultats des élections législatives de 1945-1946
dans les quatre circonscriptions (en % des suffrages exprimés)
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En mai 1947, avec l'entrée dans la guerre froide et le retrait des ministres communistes du gouvernement, le tripartisme explose. Une coalition dite de la troisième force se forme autour des socialistes et des chrétiens-démocrates unis dans une double opposition aux communistes et aux gaullistes.
 En juin 1951, le renouvellement de l'Assemblé nationale se déroule dans de nouvelles conditions institutionnelles : le candidat communiste sortant subit l'injustice du système des apparentements, destiné à marginaliser les communistes et les gaullistes. Bien qu'ayant obtenu plus de voix que le radical Olivier Caliot, Félix Garcia n'est en effet pas élu parce que son parti n'a pas été en mesure de nouer des alliances électorales. Il n'est pas reconduit tandis qu'Olivier Caliot est élu : la liste d'union des gauches républicaines qu'il mène et qui est soutenue par le parti radical-socialiste s'est en effet alliée avec les listes de la S.F.I.O. et du M.R.P.. L'apparentement ayant dépassé la majorité des suffrages exprimés, les listes non apparentées des communistes et des gaullistes n'obtiennent aucun élu tandis que les deux socialistes et le démocrate-chrétien sortants sont reconduits et donc rejoints par un nouveau député radical. Malgré le renouvellement du mandat de Joseph Defos du Rau, le scrutin révèle un déclin du M.R.P. qui résiste mieux dans les parties agricoles du département.

Alors que sa moyenne nationale est de 14 %, la S.F.I.O. recueille plus de 31 % dans le département avec une pointe à 48 % dans son fief du canton de Mugron. Néanmoins l'audience socialiste recule par rapport à 1946, surtout dans les cantons côtiers de l'ouest et du sud-ouest où elle subit la concurrence du radicalisme renaissant. Dans le pays d'Orthe, en Chalosse occidentale et centrale, c'est l'activité soutenue des communistes qui entraîne sa régression. La résistance à la décrue socialiste vient des zones du Nord et de l'Est : la S.F.I.O. maintient une très forte assise électorale (plus de 30 % des suffrages) dans la grande Lande, la Chalosse orientale et la plus grande partie du Marensin et le nord du pays de Born.
Principal victime du système des apparentements, le courant communiste perd également de son influence, mais très légèrement, avec une diminution de 714 voix par rapport à 1946. Certains électeurs du centre du département et de la zone forestière se détachent du P.C.F. qui se renforce cependant là où il était déjà bien implanté, dans les cantons d'Amou, Montfort-en-Chalosse, Peyrehorade et Pouillon, c'est-à-dire dans une région qui est agitée par des conflits sociaux violents.
Le principal enseignement de ces élections est l'apparition locale d'une nouvelle force politique : le gaullisme. La liste d'union républicaine et de progrès social qui est conduite par le maire de Mont-de-Marsan, Robert Besson, ingénieur spécialisé dans la construction des routes et membre du Rassemblement du Peuple Français (R.P.F.), le parti fondé en avril 1946 par le général de Gaulle, obtient en effet 18 % des suffrages. Comme la liste communiste, elle n'est apparentée à aucune autre formation politique. Influent dans le nord forestier et dans les terres où le M.R.P. recule, le R.P.F. s'implante surtout dans les cantons de Mimizan, Mont-de-Marsan et de Morcenx. Les gaullistes semblent séduire d'anciens électeurs radicaux mais ont une assise surtout urbaine alors que les radicaux maintiennent leur position dans les campagnes.
Résultats de l'élection législative du 17 juin 1951
(addition des résultats en % dans les quatre circonscriptions landaises)
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Lors du scrutin législatif de janvier 1956 aucun apparentement n'est conclu dans les Landes. En conséquence les deux sièges du M.R.P. et des radicaux sont perdus. Divisés entre partisans du rapprochement avec les gaullistes et défenseurs d'une alliance avec les formations de gauche, les radicaux ne présentent pas de liste. De son côté le M.R.P. connaît un important repli, notamment dans la partie septentrionale des Landes, et Joseph Defos du Rau, élu depuis la Libération, n'est pas reconduit. En revanche un nouvel élu communiste, Jean Lespiau, entre à l'Assemblée nationale. Cet ouvrier du bois de 33 ans est issu d'une famille de métayers landais et a combattu dans la Résistance, dont 18 mois dans l'illégalité totale.
Malgré cette élection, avec 19,7 % des suffrages, les communistes descendent pour la première fois depuis la Libération sous la barre des 20 %. Par rapport à 1951, le P.C.F. perd 1 620 voix, surtout dans les cantons du nord et de l'est, mais aussi en Chalosse, tandis que sa position reste forte dans le centre. Les socialistes, qui progressent en voix et maintiennent leurs deux députés, sont les principaux bénéficiaires de ce recul communiste. Ce raffermissent de la position socialiste est surtout visible dans le sud des Landes et dans les deux cantons de Mimizan et Morcenx.
Avec l'élection de Robert Besson, le courant gaulliste s'implante véritablement dans le département à l'occasion de ce scrutin. Au sein de la liste d'union républicaine et de progrès social, les gaullistes se sont alliés à des candidats indépendants marqués à droite ainsi qu'avec des radicaux. La liste comporte en effet des élus, maires et conseillers généraux appartenant au Rassemblement des Gauches Républicaines (RGR), une formation politique issue du courant radical.
Sur la droite de l'échiquier politique, la liste d'union et de Fraternité Française d'inspiration poujadiste obtient 9 300 voix, soit moins de 7 % des suffrages avec une influence plus importante dans la région agricole que dans les zones urbaines. L'Union de Défense des Artisans et Commerçants (UDCA) de Pierre Poujade qui est à l'origine de cette liste a relativement peu d'influence dans le département alors qu'au plan national, elle rassemble 11 % des voix. Dans les Landes, l'UDCA forme un groupuscule de 363 adhérents attachés à la défense de l'Algérie française et sensibles à la dénonciation des hommes politiques détenteurs du pouvoir. La liste départementale est formée par deux marchands ambulants habitant respectivement Saint-Paul-lès-Dax et Dax (Jean Bagat, Charles Castelon), associés à l'ouvrier Henri Pedemey issu de la C.G.T. et au gros agriculteur Francis Blondeau, qui exploite 9 propriétés dans le village d'Hontanx. L'organisation départementale de l'UDCA connaît rapidement des dissensions internes car au cours de l'année 1955, la moitié de ses dirigeants entre en conflit avec la direction nationale et démissionne.
Résultats de l'élection législative du 2 janvier 1956
(addition des résultats en % dans les quatre circonscriptions landaises)
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Le Conseil de la République est la seconde chambre législative instaurée par la constitution de la Quatrième République. Contrairement au Sénat sous la Troisième République, cette assemblée a en réalité très peu de pouvoir législatif, qui appartient essentiellement à l'Assemblée nationale. Le Conseil de la République est une chambre de réflexion et non de décision : il peut seulement imposer une deuxième lecture à l'Assemblée. Les Conseillers de la République sont désignés par un suffrage indirect complexe.
Au Conseil de la République, le département des Landes est représenté essentiellement par des sénateurs socialistes, conformément aux rapports locaux des forces politiques. Le 8 décembre 1946, les deux élus sont le socialiste Gérard Minvielle et le radical Henri Monnet. Le 7 novembre 1948, les deux candidats de la liste d'action républicaine et socialiste sont élus : Gérard Minvielle est en effet rejoint par André Darmanthé, agriculteur résinier à Saint-Julien-en-Born et conseiller général du canton de Castets-des-Landes. Le 19 juin 1955, Gérard Minvielle reconduit, soutient au second tour Jean-Louis Fournier, candidat isolé au premier tour.
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