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1. La société landaise dans les années noires
1.2. Les cadres politiques de la collaboration
1.2.1. Partis et organisations collaborationnistes
Le gouvernement du maréchal Pétain met en place une véritable politique de collaboration en se pliant aux exigences des autorités d'occupation, et parfois même en les devançant. Aux côtés des mesures de réquisitions économiques, le pouvoir vichyste offre également sa participation à la sinistre entreprise de déportation et d'extermination des populations juives françaises, d'abord en faisant des citoyens de seconde zone, puis en organisant arrestations et déportations pour le compte de l'Allemagne nazie. Dans les Landes, près de 200 juifs, originaires du département ou réfugiés dans la région, sont ainsi arrêtés et déportés en Allemagne. En matière économique tout comme pour l'aide apportée à l'entreprise criminelle du génocide, la politique collaborationniste du régime de Vichy s'inscrit plus largement dans une idéologie clairement réactionnaire, marquée par le souci de revanche sur le Front populaire et valorisant les valeurs traditionnelles et paternalistes. La nouvelle devise choisie pour l'État français, " Travail, Famille, Patrie ", en est une des illustrations les plus connues. Cette idéologie est portée par toute une nébuleuse de groupes politiques issus des mouvements d'extrême droite de l'entre-deux-guerres ou de diverses mouvances réactionnaires. Ces mouvements politiques sont de véritables soutiens du régime, mais ils en constituent également le talon d'Achille par leur éclatement et leurs multiples divisions.
Deux de ces mouvements ont une certaine influence dans les Landes. Le Parti Populaire Français (P.P.F.) est le mieux implanté, le plus structuré et celui qui compte le plus de militants dans le département. Il compte entre 500 et 600 inscrits parmi lesquels approximativement 200 à Dax et dans ses environs. Il parvient à réunir près de 100 personnes lors d'une réunion à Mont-de-Marsan le 29 mai 1942 et 200 à Dax, le 19 octobre de la même année.
Le second mouvement influent dans le département est le parti franciste de Marcel Bucard, dirigé dans les Landes par Maurice Babiet. Il est surtout implanté dans la région de Mont-de-Marsan, où il compte 350 inscrits, mais il semble que seuls 30 d'entre eux sont considérés comme des militants actifs et convaincus. Ils parviennent toutefois à constituer une milice en mars 1944, face à l'imminence de la Libération.
Enfin, il faut signaler dans les Landes, l'existence d'un groupe appelé " Collaboration ", dirigé par le commandant Laurensan et par Jean Lacoste, qui compte une soixantaine de membres dans le département, dont le fils de l'ancien député-maire de Dax, Robert Lassalle.
Pour l'essentiel, ces différents mouvements recueillent surtout l'adhésion de notables locaux, médecins, industriels, commerçants, ingénieurs, etc. Leur manque d'implantation populaire explique leur faiblesse relative dans le département. Il semble également que l'hégémonie du P.P.F. et du parti franciste, tous deux ligués contre le Rassemblement national populaire (R.N.P.), explique la faiblesse de ce dernier dans le département. Le R.N.P. ne possède pas de groupe dans les Landes et se contente d'organiser quelques meetings, réunissant 150 personnes à Mont-de-Marsan et 80 à Dax. De même, la Milice est elle aussi peu active dans le département, puisque l'on ne recense à la Libération que 37 miliciens, dont la plupart ne sont d'ailleurs pas originaires du département.
1.2.2 La corporation paysanne
Nous l'avons évoqué ci-dessus, le régime de Vichy repose, au-delà de sa politique collaborationniste, sur une idéologie faisant la part belle aux valeurs traditionnelles et paternalistes. Elles s'illustrent tout particulièrement dans la création et la mise en place des premières législations corporatives, dès la fin de l'année 1940, qui aboutissent en mars 1943 à la création définitive de la corporation paysanne. Ce nouvel appareil législatif est l'un des principaux arguments de l'image officielle du " Maréchal paysan " et de l'idéologie agrarienne du régime de Vichy, qui entend restaurer les valeurs associées au monde rural et à ses habitants. La corporation repose sur trois principes : unité, autorité, obligation.
Unité, car la loi du 2 décembre 1940 sur l'organisation corporative du monde agricole pose l'existence d'un syndicat agricole unique, regroupant l'ensemble des catégories sociales (propriétaires, fermiers, métayers, salariés). L'adhésion du chef de famille implique dans la vie syndicale l'ensemble de ses membres travaillant sur l'exploitation.
Autorité, car l'organisation de la corporation ne repose pas sur le principe de la libre élection des dirigeants mais sur leur désignation par les échelons supérieurs. Ce caractère hiérarchique très marqué, associé aux pouvoirs réglementaires étendus des différents échelons transférait entre les mains des dirigeants un pouvoir réglementaire très étendu sur le régime du travail, les conditions juridiques d'exploitation et plus généralement l'ensemble des rapports professionnels. On perçoit d'emblée le profit que peuvent en tirer les grands propriétaires et les paysans les plus aisés, qui sont le plus souvent nommés à la tête des organismes locaux.
Obligation, enfin, car si l'adhésion est en théorie facultative, l'hégémonie de la corporation sur les services de mutuelle ou sur les caisses d'allocations familiales et d'assurances sociales la rend quasiment obligatoire. Les syndics locaux ont également autorité pour distribuer les bons matériaux nécessaires à l'achat de l'engrais ou de l'outillage et avaient la charge d'opérer les réquisitions de produits agricoles. L'ensemble de l'organisation est placé dès l'origine sous l'autorité de l'État, mais au fil des aménagements apportés à la législation, cette mainmise s'accroît et fait de la corporation paysanne une véritable structure d'encadrement du monde agricole au profit des élites.
Dans les Landes, l'organisation corporative commence de se mettre en place au cours de l'année 1941, à commencer par la direction départementale. Celle-ci est ainsi composée de M. Arnaudin, délégué du groupement des propriétaires forestiers, de M. de Laporterie, délégué de la mission de restauration paysanne, et de Charles Prat, président du syndic des métayers-résiniers. Le 13 avril 1942, 650 syndics et syndics-adjoints locaux sont convoqués au théâtre de Mont-de-Marsan pour achever la construction de l'Union régionale corporatiste des Landes. M. Arnaudin, président de l'assemblée, annonce la nomination du comte de Marcy au poste de syndic départemental. L'un des organes de la corporation paysanne dans les Landes est constitué par l'Union corporative des résineux ou Centre unique de vente des produits résineux. Cette structure est quelque peu particulière. Elle regroupe propriétaires, métayers, distillateurs et négociants, mais a été créée avant la guerre, le 10 mars 1939. Elle est en fait réinvestie par la corporation, et est la principale structure d'encadrement de l'activité des gemmeurs. C'est notamment elle qui opère les réquisitions de produits résineux pour l'occupant, et c'est auprès de celle-ci que les métayers peuvent obtenir leurs tickets de rationnement. Dès l'année 1943, les effectifs de la corporation fondent très rapidement. Face à l'absentéisme et au refus de nombreux métayers de payer leurs cotisations, les dirigeants de l'organisation et l'administration ne peuvent exercer qu'une répression limitée, car ils sont bien trop occupés par les problèmes que les réquisitions puis que l'imminence de la victoire alliée posent. D'autres métayers, comme André Bombezin, adressent même à leur syndic local une lettre de démission.
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