Les Landes dans la Seconde Guerre mondiale
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 1. La société landaise dans les années noires  

1.1. Les Landes entre Occupation et pouvoir vichyste

Aux lendemains de la défaite française de l'été 1940, la France est désorganisée. Aux sommets de l'État, la débâcle de l'armée française conduit à la division puis à la démission. Paul Reynaud, président du Conseil depuis mars 1940 abandonne son poste au profit du maréchal Philippe Pétain, partisan d'un armistice. Celui-ci est signé quelques jours plus tard, le 22 juin 1940, à Rethondes, en présence du fuhrer Adolf Hitler. Au terme de cet armistice, 55% du territoire national est occupé par les allemands (zone occupée) ; le gouvernement français dirige la "zone libre" et siège désormais à Vichy.


Le mercredi 10 juillet 1940, le maréchal Pétain obtient à une très large majorité le vote des pleins pouvoirs constituants par l'Assemblée nationale (569 voix "pour", 80 "contre" et 17 abstentions).
Le vote s'explique par un contexte et un "climat" bien particuliers. Il intervient après deux mois de guerre éclair : les deux tiers du territoire sont occupés par l'ennemi, la France est divisée, l'armée est vaincue, des millions de Français sont réfugiés et errent sur les routes, près de deux millions de soldats français sont prisonniers de guerre ; le Gouvernement, légalement constitué par le maréchal Pétain après qu'il a été désigné par le Président de la République, est dirigé par l'un des plus grands chefs militaires de la Grande guerre, plusieurs fois membre du gouvernement de la République ; le Parlement est réuni à Vichy et les parlementaires sont soumis à des pressions réitérées.
Au-delà de l'autorité sur la Constitution d'un nouvel État français, ce vote accorde l'ensemble des pouvoirs exécutifs et législatifs à un gouvernement mû par la volonté de revanche sur le Front populaire et de mise en place d'un système autoritaire.

Les "Quatre-vingt" opposants sont 58 députés et 22 sénateurs. Parmi eux, on compte 3 anciens communistes, 36 socialistes SFIO, 26 radicaux, 15 autres députés de gauche, du centre ou de droite. Près de trois cent députés et sénateurs n'étaient pas présents à Vichy lors du vote.

Lors de ce vote, les parlementaires landais sont "pour" ou absents : les deux sénateurs Lourties et Eugène Milliès-Lacroix et les deux députés Antoine Dubon (S.F.I.O.) et Robert Bézos (radical) votent les pleins pouvoirs, tandis que le sénateur Ernest Daraignez et le député Pierre Fully, absents, ne prennent pas part au vote.
Le député radical socialiste Robert Lassalle a été tué sur le front en mai 1940.

Pour l'ensemble de la population, l'année 1940 est avant tout marquée par la crainte devant l'avancée des armées allemandes et l'imminence de l'invasion. Dans toutes les régions situées au nord de la Loire, des milliers de personnes se ruent sur les routes pour gagner ce qui sera la " Zone libre ". Dans le département, les effets de la guerre sont d'abord indirects, car la menace de l'invasion allemande reste tout d'abord lointaine. Cependant, une fois la défaite de l'armée française acquise, les Landes sont rapidement touchées, en particulier par les nombreuses conditions intégrées à la convention d'armistice. Conformément aux conventions de l'armistice, le département des Landes est coupé en deux ensembles. Une ligne de démarcation qui longe les routes nationales 132 et 133 par Roquefort, Mont-de-Marsan, Saint-Sever et Hagetmau sépare la zone occupée du nord et celle libre du sud.

L'ensemble du littoral atlantique représente en premier lieu un enjeu stratégique essentiel pour les forces d'occupation, et le département des Landes se trouve donc coupé en deux, sa moitié ouest étant intégrée à la zone occupée. L'ensemble de la zone côtière landaise est déclaré " Zone interdite ", et plusieurs bases allemandes y sont installées. Sur le lac de Biscarrosse est installée la base des Hourtiquets pour les hydravions ravitaillant les sous-marins qui opèrent dans le golfe de Gascogne. Une base de la marine allemande est implantée à Mimizan. Des troupes nombreuses sont également postées le long de la ligne de démarcation ainsi qu'à Moliets et au sud de Tarnos, le long de l'embouchure de l'Adour, pour contrôler l'accès au port de Bayonne. Enfin, l'armée allemande surveille une série de camps de prisonniers sénégalais et nord-africains situés le long de la voie ferrée Hendaye-Dax-Bordeaux-Paris.


Avec ce découpage, l'administration du département est réorganisée : en zone occupée, le préfet voit son autorité étendue sur les Landes et les Basses-Pyrénées, tandis qu'à l'est, Aire-sur-l'Adour devient sous-préfecture rattachée à la préfecture de Dax. La ligne de démarcation n'est franchissable qu'à l'aide d'un laissez-passer délivré par les autorités allemandes, et la vie des Landais s'en trouve perturbée. On constate surtout que les premières années du conflit sont vécues différemment de part et d'autre de cette frontière. Il semble en effet que les habitants de la zone occupée sont plus prompts à réagir à l'humiliation de la présence allemande, tandis que les habitants de la zone libre ne sont directement touchés qu'à partir de 1943, avec l'invasion de la zone sud par l'armée allemande.


À la fin de l'année 1940, la vie landaise tente toutefois de se réorganiser, sous la pression de multiples contraintes. Le monde rural est particulièrement touché par l'absence de quelque 10 000 soldats, retenus prisonniers dans le nord et l'est de la France puis, transférés en Allemagne. La plupart des exploitations connaissent ainsi un important ralentissement de leur activité. Les femmes, qui participent déjà activement aux travaux dans les champs et dans les pins, doivent assumer l'ensemble des tâches mais ne peuvent que suppléer partiellement à cette absence.


De façon générale, le potentiel économique et surtout agricole des Landes représente un enjeu important pour l'occupant. Les autorités allemandes sont en particulier très intéressées par la production de gemme, utile pour la confection du caoutchouc nécessaire à la fabrication de pneus. Les 2 000 gemmeurs de la zone occupée se voient ainsi imposer des quotas de production par les autorités allemandes. L'importance de la gemme conduit même, en 1941, à la libération de 1 000 soldats, gemmeurs de la forêt de Gascogne, qui reprennent leur activité sous le contrôle de l'occupant. Les prisonniers sénégalais et nord-africains cantonnés dans le département sont également contraints de travailler dans les exploitations forestières. Le bois est destiné à l'organisation TODT, chargée de la construction du mur de l'Atlantique. Une part importante des autres produits agricoles, et particulièrement le blé produit en Chalosse, est également envoyé, en Allemagne. Les autres secteurs de l'économie landaise, notamment son potentiel industriel, sont également mis à profit par l'économie allemande. Les papeteries de Roquefort et de Tartas, l'ensemble des scieries et les usines d'aviation Potez, pourtant installées en zone libre, à Aire-Sur-l'Adour, travaillent ainsi à l'effort de guerre allemand. Enfin, d'importantes réquisitions de chevaux ont également lieu dans le département.


Assez rapidement, le gouvernement vichyste a souhaité mettre en place un système de volontariat pour le travail en Allemagne. Ce dernier n'a que peu de succès dans les Landes. Et quand il se transforme en réquisition, avec l'instauration du S.T.O. en 1943, la masse des Landais y opposer une résistance passive relativement efficace. Même si l'on compte plus de 2 300 requis dans le département, il semble même que les services administratifs, à commencer par les gendarmes et le préfet, se montrent peu zélés à répondre aux attentes allemandes. Parmi ces représentants des autorités françaises les moins prompts à se soumettre à la politique collaborationniste, on peut citer l'exemple de l'inspecteur André Bouillar, affecté à Tarnos à la fin de l'année 1941 et qui reste célèbre pour son activité de résistant sous le pseudonyme de " Dédé le Basque ". Grâce à ces appuis plus ou moins actifs, dans les chantiers de carbonisation du bois de Saint-Justin, par exemple, on compte déjà 500 réfractaires en mars 1943. De façon générale, les facilités offertes pour l'entrée dans l'illégalité tiennent en particulier au fait que les structures économiques et socioprofessionnelles du département leur permettent aisément de se cacher dans l'exploitation de parents ou d'amis, de trouver une place dans les scieries, les entreprises forestières (comme l'entreprise Doussy de Soustons) ou à la papeterie de Roquefort, grâce à de faux papiers. Le département en accueille même des départements voisins, notamment de Gironde, du Lot-et-Garonne, du Gers et des Pyrénées. Cela explique également que la masse des réfractaires ne constitue pas une véritable matrice de recrutement pour la Résistance. D'après une enquête menée en 1976 parmi eux, il apparaît ainsi que seulement 20 % d'entre eux rejoignent la Résistance. Une masse importante de jeunes gens déserte également les chantiers de l'organisation TODT en 1944, ce à quoi les autorités allemandes répondent par l'organisation de rafles dans diverses communes, afin de réquisitionner des hommes pour les travaux.


L'Occupation est bien sûr de manière générale une période sombre pour la population landaise. La mainmise de l'administration allemande, appuyée par le gouvernement de Pétain, sur la vie économique du département, et sur l'agriculture, est particulièrement douloureuse. Toutefois, les populations rurales sont sans doute plus épargnées. Elles ont moins à souffrir du rationnement, grâce à l'apport de leur propre production, et peuvent plus aisément se soustraire aux réquisitions d'hommes, de matériel et de denrées. L'isolement du département dans l'ensemble du territoire français, malgré le caractère stratégique de son espace côtier, contribue sans doute également à instituer une pression moindre que dans d'autres régions. Restent la rancœur et l'irritation nées de l'omniprésence de l'occupant et de l'humiliation de la défaite, qui firent de ces années une période douloureuse.
 
 

 



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