Le Front populaire
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Tableau social des Landes des années 1930

1.2. Les Forges de l'Adour, pôle du monde ouvrier landais

Les Forges de l'Adour constituent la seule véritable concentration ouvrière du département des Landes. Si ailleurs dans le département, différents ateliers ou usines existent, principalement liés à la production de gemmes ou de bois, aucune n'atteint l'importance des forges. Il est intéressant de noter que la transformation des produits de la sylviculture, et en premier lieu de la gemme, n'est jamais un véritable enjeu industriel dans la région. La seule activité industrielle liée à la gemme est constituée par l'essaimage de petits ateliers de distillation dans la zone forestière, et encore ces ateliers n'opérent-ils qu'une transformation primaire de la résine. Ainsi, les Forges de l'Adour, font-elles figure de véritable îlot ouvrier, isolé jusque dans la géographie du département, puisqu'elles sont situées à son extrémité sud, à la frontière avec les Basses-Pyrénées (aujourd'hui Pyrénées-Atlantiques), à Boucau et à Tarnos (voir carte). Cet aspect d'isolat ouvrier au cœur d'un territoire profondément agricole n'est pas sans conséquences dans la vie quotidienne d'une communauté qui, oscille entre culture ouvrière et attaches rurales.


La concentration de cette importante population ouvrière est liée à l'organisation même de la vie autour des forges. Implantées à la fin du XIXe siècle, les Forges de l'Adour renvoient au modèle des grandes cités minières et industrielles du nord et de l'est de la France, marquées par la tutelle paternaliste des grands industriels. Créées de toutes pièces, les cités des Forges, également appelées " casernes " par leurs habitants, présentent ainsi un paysage de logements modestes, tous identiques, alignés le long des rues et regroupés au plus près de l'entreprise. Les maisons ne comptent que quelques pièces : une salle à manger, une cuisine et deux chambres au rez-de-chaussée, une petite chambre mansardée et un grenier à l'étage. Elles peuvent rapidement s'avérer trop petites pour des familles parfois nombreuses. Le confort reste minimal. Le sol est simplement fait de ciment ou de carrelage. Pas d'eau courante ni de chauffage central. Dans les logements les plus anciens, on se chauffe au moyen d'une cheminée à bois ; dans les plus récents, à l'aide d'un poêle. Au-delà des conditions de travail particulièrement rudes des ouvriers des forges, employés dans les hauts-fourneaux ou aux laminoirs, l'ensemble de la population est touché par des conditions d'existence difficiles, marquées par un quotidien modeste.
 
 

 
 

L'omniprésence de l'usine gagne jusqu'à l'atmosphère des lieux, polluée par les scories des fours à coke ou les poussières des minerais et du charbon. Au-delà de l'habitat, l'entreprise des Forges étend ses prérogatives à divers aspects de la vie de la communauté, contribuant à une politique paternaliste de la direction et renforçant ainsi la tutelle de celle-ci sur la vie sociale. Dès les années 1890, une coopérative gérée par l'entreprise a ainsi été mise en place pour assurer l'approvisionnement des familles ouvrières en produits alimentaires. Dans les années 1930, la " maison mère ", telle que l'appellent les habitants, s'est développée en plusieurs petites succursales situées en différents endroits des cités. L'entreprise offre également chaque année aux familles la possibilité d'acheter à bas prix 500 kg de charbon, utilisé dans les cuisinières et les poêles.


L'élément le plus marquant de la vie sociale des Forges et de leurs cités tient à son caractère intermédiaire, oscillant entre des aspects proches de la sociabilité des ouvriers urbains et des éléments hérités de la vie rurale. Dans les années 1930, la communauté des Forges est constituée de populations d'origine diverses, qui par vagues successives ont rejoint Tarnos. Les premières arrivées à la fin du XIXe siècle, lors de l'ouverture de l'usine, sont bien sûr originaires des Landes, mais aussi du Pays basque et du Béarn. À ces premiers arrivants s'ajoutent rapidement des familles alsaciennes, réfugiées dans la région après l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne. Plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, une importante population espagnole se joint à cet ensemble déjà hétérogène. Malgré ces origines diverses, les populations des Forges gardent toutes des attaches rurales profondes. On le voit notamment à travers l'entretien par les familles de petits jardins attenants à leurs logements où poussent divers légumes et arbres fruitiers. Autre appoint alimentaire essentiel, l'élevage du cochon, tradition héritée des pratiques paysannes landaises, qui s'est perpétuée dans les " casernes ". On retrouve également dans la sociabilité locale des éléments hérités de la vie des campagnes, notamment landaise.


Parallèlement à ces éléments, se développent depuis les années 1920 des formes de sociabilité nouvelles, et notamment, des formes de loisirs plus proches de celles proposées aux ouvriers urbains que de celles offertes aux paysans landais. Sous l'impulsion de la mairie communiste de Tarnos, une salle des fêtes accueillant divers événements a ainsi été construite, venant s'ajouter au récent Théâtre du peuple et aux deux cinémas ; tandis qu'à Boucau est créé le Centre culturel Paul-Vaillant-Couturier. On retrouve également cette sociabilité ouvrière urbaine autour du sport, avec la construction d'un vélodrome et d'un fronton, mais aussi avec la période de gloire de l'équipe de rugby des Forgerons du club de Boucau-Stade. De façon décisive enfin, l'identité double, ou pour le moins complexe, des ouvriers des Forges et de leurs familles se traduit également, sur un plan plus politique, par la coexistence de deux structures a priori concurrentes dans l'encadrement de cette sociabilité :l'Église catholique et le Parti communiste, particulièrement bien implanté. Or, il semble à ce propos plus juste de parler de concurrence que de véritable conflit d'ordre idéologique ou politique. Si, sur le plan politique, les ouvriers des forges apportent massivement leur soutien aux communistes, au quotidien, les deux structures ont vocation à assurer un tel encadrement de la population, qu'aux yeux même de cette dernière, elles ne sont pas nécessairement antinomiques. Ce n'est pas là le seul paradoxe de l'organisation ouvrière aux Forges de l'Adour.

 
 

 



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