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Mesures concrètes et espoirs déçus
4.2. L'échec de la réforme du statut du métayage
Avec l'arrivée du Front populaire, l'idée d'une réforme du statut du métayage, qui s'imposait déjà largement chez les élus et les militants des Landes, parvint à se hisser jusqu'au niveau du pouvoir central. Les parlementaires issus de la majorité de Front populaire se livrèrent ainsi à une importante réflexion sur la situation sociale des différentes catégories de métayers et sur le cadre juridique régissant leur activité. Les premiers parlementaires à s'emparer de ce projet furent ceux du groupe communiste, emmenés par les leaders paysans du P.C.F., Renaud Jean, Waldeck Rochet, Marius Vazeilles et Henri Pourtalet. Un projet de loi initié par le groupe communiste fut ainsi déposé le 27 juin 1936. Ce projet ne proposait pas la suppression pure et simple du métayage, mais son aménagement. Parmi les dispositions de la loi proposée, on retrouvait la revendication de la liberté syndicale et d'opinion des métayers, la suppression des prestations, corvées et redevances, le partage aux deux tiers en faveur des métayers, des baux de neuf ans et la primauté à ces derniers dans le choix des cultures et la direction des exploitations. Ce projet resta toutefois sans suite.
De leur côté, les parlementaires landais Pierre Fully et Robert Lassalle furent à l'origine de la création d'un groupe parlementaire sur les questions du métayage, présidé par Lassalle et qui regroupa rapidement une centaine de députés, issus de l'ensemble des partis français. Renaud Jean, président de la commission d'Agriculture de la Chambre des députés était membre de cette commission. La première initiative du groupe fut d'adopter une proposition de résolution " tendant à inviter le gouvernement à procéder à une enquête sur les conditions générales du métayage et à déposer un projet de loi portant réforme du statut du métayage, projet qu'il soutiendra non seulement à la Chambre, mais devant le Sénat, comme il a défendu les autres lois sociales. " Sous la pression des élus de droite, le groupe se refusait donc à proposer lui même un projet de loi, laissant l'initiative au gouvernement et plaçant un tel projet dans la ligne des différentes lois sociales mises en place en faveur des ouvriers ou des paysans.
Après plusieurs réunions, le groupe Pierre Fully, secrétaire du groupe, de rédiger un rapport sur la situation d'ensemble du métayage et proposant diverses suggestions pour une future loi. Ce rapport fut remis au ministre de l'Agriculture socialiste Georges Monnet le 2 février 1937. Quelques mois plus tard, en mai 1937, le ministre soumit un premier projet de loi aux Chambres d'Agriculture réunies à la même époque. Seules celles du Var et des Landes se prononcèrent favorablement. Malgré la chute du gouvernement de Léon Blum le 21 juin 1937, Georges Monnet, toujours Ministre de l'Agriculture dans le cabinet Chautemps déposa le 7 juillet un projet définitif devant la Chambre des députés. Alors que dans les Landes la situation entre métayers et propriétaires restait particulièrement tendue après la grève de février-mars (voir ci-dessus) et alors que les propriétaires multipliaient les congés, le projet de loi fut ralenti pas les diverses commissions censées l'étudier. Dans un climat national et international de plus en plus tendu, la question du fermage avait quitté le devant de la scène et dans le même temps, les pressions de la grande propriété foncière contre le projet et contre les métayers limitait les possibilités de faire évoluer la situation. De plus, la succession très rapide des gouvernements ne leur laissait pas le loisir de mettre en place des réformes de cette envergure. Finalement, après 18 mois d'atermoiements, une réunion de la commission parlementaire d'Agriculture, convoquée par Renaud Jean, décida de la rédaction du rapport final, confié au député socialiste Camille Riffaterre.
Le projet final prévoyait un ensemble de mesures particulièrement favorables pour l'époque. La durée des baux était fixée à 9 ans, et ces derniers ne devaient plus être des accords verbaux mais écrits. Les corvées, redevances et autres droits divers étaient supprimées. Des commissions locales regroupant propriétaires et métayers devaient fixer les conditions de partage par région. Adopté par la Chambre en mars 1939, le nouveau statu du métayage n'entra pourtant pas en vigueur, le Sénat le rejetant. Le déclenchement de la guerre quelques mois plus tard mit fin aux initiatives en faveur d'une telle réforme.
Le bilan du Front populaire dans les Landes reste donc quelque peu mitigé. La réforme du statut du métayage, était l'une des aspirations essentielles de la population rurale du massif forestier et de Chalosse, or elle ne parvint pas à s'imposer dans la période troublée de la fin des " années trente ". On peut rapprocher cet échec de la mutation encore incomplète du paysage politique landais. L'essor du mouvement paysan landais depuis le début du siècle avait permis de mobiliser les métayers autour d'un corpus de revendications précis, appuyé par une organisation de plus en plus puissante. Pourtant, ces revendications peinaient encore, dans les " années trente " à trouver une expression politique efficace. Ce n'est qu'au cours de cette décennie que la demande des métayers commença à rencontrer l'offre des responsables socialistes et communistes, qui jusque-là restaient dans l'ombre des radicaux. Ainsi, la période du Front populaire correspond dans le département à d'importants progrès des communistes et surtout des communistes, mais ces progrès ne se traduisirent pas en terme de représentation parlementaire. Du fait de l'absence d'une représentation pertinente, le département des Landes resta dans l'angle mort du pouvoir central et ne put bénéficier pleinement de la dynamique de réformes sociales qui caractérise la période du Front populaire. Sans doute faut-il ajouter à ces éléments les décalages dans la mobilisation des diverses catégories sociales landaises. Les paradoxes du mouvement ouvrier, tout comme la mobilisation retardée des métayers résiniers, ne contribuèrent pas à rompre cet isolement. À l'aube de la Seconde guerre mondiale, les habitants des Landes restaient donc sur un sentiment d'inachevé, qui fit rapidement place aux difficultés de l'occupation et de la guerre.
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