Le Front populaire
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La construction du Front populaire dans les Landes

2.2. Les élections

2.2.1. Vers l'unité d'action

Dans les Landes, comme dans le reste de la France, le rapprochement des différents partis de gauche dans le cadre du Front Populaire intervint dans un contexte de profondes difficultés politiques, économiques et sociales. Nous avons vu que dans les Landes, la situation des métayers résiniers et agricoles était devenue particulièrement dramatique du fait de la crise économique mondiale. Ces difficultés ne manquèrent pas de se répercuter sur la vie politique française, qui fut marquée, dans la période 1932-1934, par une grave crise institutionnelle. Les blocages institutionnels, la succession très rapide de gouvernements ne parvenant pas à s'imposer faute de majorité stable ou n'apportant pas les réponses attendues à la crise économique, enfin une série de scandales politiques, contribuèrent à l'exacerbation des luttes politiques et de l'aspiration à un profond changement. À la fin de l'année 1933, l'Affaire Stavisky, sans doute le plus célèbre de ces scandales, eut un retentissement particulier dans le Sud-Ouest de la France et dans les Landes. Le Crédit municipal de Bayonne, créé par Serge Stavisky était en effet au cœur d'un scandale financier qui éclaboussait de nombreux parlementaires et au premier chef le député maire radical de la ville, Garat. Stavisky ayant reçu l'appui de nombreux députés de premier plan, l'affaire dépassa largement le cadre régional et fut instrumentalisée par les ligues d'extrême-droite pour stigmatiser la corruption de la classe dirigeante. Le 6 février 1934, la manifestation les ligues d'extrême-droite, telles que l'Action française ou les Croix de feu, menaça un temps l'Assemblée nationale et fut analysée par les partis de gauche comme une tentative de coup d'État fasciste. Cet électrochoc amena les différents partis de gauche à envisager leur union pour contrer ce danger et pour répondre à la crise politique qui touchait le pays. L'axe majeur de cette union résida très vite dans le rapprochement entre socialistes et communistes, séparés depuis 1920 par une profonde hostilité.


Dans le département des Landes, la réconciliation intervint tout d'abord en réponse aux événements parisiens du 4 février 1934 et dans le cadre de la mobilisation de la gauche contre le " danger fasciste ". Les syndicats C.G.T. et C.G.T.U. lancèrent ainsi pour le 12 février un appel à une grève nationale anti-fasciste. Dans le département, elle se traduisit par diverses manifestations. 300 instituteurs du département suivirent la grève, tandis qu'à Moustey, une manifestation de soutien des gemmeurs gagna la mairie. À Saint-Paul-lès-Dax eut lieu un meeting conjoint C.G.T./C.G.T.U., réunis en cortège pour gagner la mairie de Dax avec à leur tête les cheminots et les instituteurs, les participants furent arrêtés par la police au Pont-de-l'Adour. Malgré ces manifestations d'unité sur le terrain, l'accord entre les directions des différents partis de gauche n'était pas encore acquis. Dans les Landes, André Moine, dirigeant de la fédération communiste des Landes et de Basses-Pyrénées, se montra ainsi particulièrement réticent devant l'alliance avec les autres forces de gauche. Contredit par Maurice Thorez, secrétaire général du P.C.F., lors de la conférence la conférence nationale d'Ivry en juin 1934, il se rallia finalement à la ligne défendue par la direction. Quelques semaines plus tard, le 18 août 1934, il participa ainsi à la signature d'un pacte d'unité d'action avec la Fédération socialiste des Landes. Dans l'une et l'autre organisations, divers militants landais se montrèrent aussitôt favorables à l'alliance. Le socialiste Jean Lartigau, signataire du pacte d'unité d'action, fut l'un d'eux. En octobre 1934, joignant le geste à la parole, il retira sa candidature aux élections pour le conseil général dans le canton de Saint-Vincent-de-Tyrosse, au profit du candidat communiste Vital Gilbert. Ce dernier ne recueillit toutefois que 7 % des votes exprimés (208 voix).


Dans un premier temps, l'unité d'action se concrétisa et se renforça sur le terrain de la lutte anti-fasciste et de l'opposition à la guerre. Ainsi, une des premières manifestations publique et militante de l'unité d'action à gauche eut lieu en juillet 1935, en écho à l'appel du Comité Amsterdam-Pleyel et du Comité de vigilance des intellectuels anti-fascistes, qui organisait un important rassemblement à Paris, le 14 juillet. Le 7 juillet, au Bois de Boulogne à Dax, une manifestation réunit environ 3 000 militants venus des Landes, des Basses-Pyrénées, de Gironde et du Gers. Parmi les orateurs, on retrouvait André Moine, secrétaire de la région communiste, Eugène Broca, secrétaire de la Fédération S.F.I.O. des Landes, des dirigeants syndicalistes comme Joseph Desarménien (C.G.T.) et Frédéric Barroumes-Garratain (C.G.T.U.), et enfin les parlementaires radicaux Robert Lassalle et Pierre Deyris.


Le rapprochement connait également au cours de cette année un coup d'accélérateur à travers le rapprochement des organisations syndicales. En discussion depuis septembre 1934, la réunification de la C.G.T., jusque-là scindée entre C.G.T. proche de la S.F.I.O. et C.G.T.U. proche des communistes, parvint enfin à un accord de principe en septembre 1935. Les 14 et 15 décembre, lors d'un congrès extraordinaire à Dax, les deux confédérations fusionnèrent au plan régional (Landes et Basses-Pyrénées). La nouvelle Union interdépartementale des syndicats confédérés de l'Adour porta à sa tête Joseph Desarménien, tandis que Barroumes-Garratain devint secrétaire-adjoint. Quelques mois plus tard, en mars 1936, la réunification devint effective au plan national, après le congrès de Toulouse. L'autre événement essentiel du rapprochement des organisations syndicales dans les Landes fut la création, en 1934, de la Fédération des métayers et gemmeurs du Sud-Ouest qui regroupait les différents syndicats de résiniers. En son sein, la nouvelle fédération regroupa rapidement les différentes tendances de gauche. Les socialistes, très présents dans le mouvement, étaient bien sûr largement représentés, mais les militants communistes les rejoignirent au cours de l'année 1935, avec l'intégration de la CGPT des Landes.





L'ensemble des actions communes appuyées par un rapprochement des organisations ouvrières et paysannes, essentiellement autour de l'axe P.C.F.-S.F.I.O., mettait en place une très forte cohésion de la gauche française, et notamment landaise, à l'approche des élections d'avril-mai 1936. Conclue par le programme de Front populaire signé par les directions communistes, socialistes et radicales en janvier 1936, l'union des forces de gauche pouvait se présenter devant les électeurs en s'appuyant sur ces forces et sur une profonde dynamique populaire.


2.2.2. Les élections de 1936

C'est dans ce contexte unitaire que se déroulèrent les élections législatives d'avril et mai 1936. À l'occasion de la campagne électorale les différents candidats en présence menèrent une propagande particulièrement intense. Les socialistes diffusèrent massivement divers tracts nationaux contre le sabotage de l'école laïque et pour la défense du petit commerce. Ils reproduisirent également à de très nombreux exemplaire le programme national de la S.F.I.O., qui insistait sur les problèmes essentiels (crise économique et financière, menaces de guerre et danger fasciste) et proposait diverses mesures : offices publics du blé, de la viande, des produits laitiers et des produits résineux, nouveau statut du métayage, et semaine de 40 heures pour les salariés. De leur côté, les communistes reprirent eux aussi les points essentiels de leur programme national dans la plupart de leurs tracts, mais ils mirent également l'accent sur la situation particulière des paysans et du département des Landes. Un tract diffusé dans les communes de la première circonscription de Mont-de-Marsan, ils diffusèrent en particulier un tract présentant le candidat Landaboure et traitant des problèmes de la population de la région forestière. Le tract dénonçait en particulier les " affameurs " qui ruinaient les métayers. On y trouvait également une remarque qui confirme les difficultés de l'organisation communiste dans les Landes, puisque le post-scriptum indiquait : " Le Parti communiste s'excuse auprès des électeurs de ne pouvoir leur rendre visite dans toutes les communes. La pauvreté de nos moyens nous en empêche. " Les radicaux, quant à eux, disposaient de moyens plus étendus et purent en particulier s'appuyer sur plusieurs journaux : le quotidien La France, journal diffusé dans tout le département et dans chaque circonscription des hebdomadaires intitulés Le Démocrate républicain radical-socialiste. Dans la 2e circonscription de Mont-de-Marsan et dans celles de Dax, Saint-Sever, les radicaux firent de la lutte contre la droite l'axe majeur de leur campagne. Ce qui déclencha une campagne particulièrement hostile de la part de cette dernière, qui dénonça la politique des gouvernements radicaux depuis la Première guerre mondiale et stigmatisa le " danger " communiste. La lutte la plus âpre eut lieu dans la 1re circonscription de Mont-de-Marsan. En l'absence d'un candidat de droite véritablement menaçant, la polémique se développa entre le radical Bezos et le jeune socialiste Lamarque-Cando. Tous deux revendiquaient en effet pour eux la légitimité la représentativité de la population locale.


Le 1er tour des élections ne réservait que peu de surprises. Si aucun candidat n'est élu directement, dans les quatre circonscriptions, les radicaux Bezos, Fully et Pierre Deyris, ainsi que le républicain-socialiste Dubon, arrivèrent facilement en tête. Le 3 mai, Fully, Deyris et Dubon furent facilement élus, grâce au désistement des socialistes et des communistes. Seule la 1re circonscription de Mont-de-Marsan représenta un véritable enjeu entre les deux tours. En l'absence d'opposition de droite au second tour, le désistement des socialistes et des communistes en faveur du radical Bezos, qui était pourtant passé tout près d'une élection au premier tour avec 49,2 % des suffrages exprimés, fut remis en question. Les militants socialistes, encouragés par l'essor des voix portées sur leur candidat par rapport à la précédente élection, n'admettaient pas le retrait de leur candidat. Le 21 avril, Joseph Desarménien, secrétaire général de l'Union départementale C.G.T. et membre de la S.F.I.O., se prononça pour sa part contre les " querelles personnelles " et en faveur d'une discipline conforme aux accords de Front populaire. Du côté des communistes, on note une certaine hésitation. Le communiqué de la direction régional confirme le désistement en faveur du candidat socialiste, tout en regrettant que ce dernier ait détourné les voix du candidat communiste. Il semble que les légères frictions entre communistes et socialistes contribuèrent en partie à l'élection du candidat radical au soir du 3 mai, car le report des voix de Landaboure ne se fit qu'imparfaitement en faveur de Lamarque-Cando. Bezos fut donc finalement réélu avec 52,77 % des suffrages exprimés.



À la suite de ces élections législatives, il est possible de faire un premier bilan des deux années de construction du Front populaire dans les Landes. Le département restait représenté au parlement par trois radicaux et un socialiste modéré, mais ces positions apparaissait menacées. La très forte progression des socialistes en terme électoraux mais aussi en terme militants et dans leur intervention dans les luttes laissait entrevoir la possibilité d'un renouvellement de la représentation landaise. Le succès de Charles Lamarque-Cando aux élections cantonales de février 1936 en était la preuve. Le travail de la fédération socialiste en direction des métayers, et tout particulièrement de la population de la zone forestière, commençait alors à porter ses fruits. Le bilan de l'organisation communiste est quant à lui plus ambigu. Nettement défavorisé sur le plan électoral par l'alliance de Front populaire, il a vu dans diverses communes ses scores diminuer. Pour autant, la victoire de la majorité de Front populaire, dans les Landes et au plan national, créa une dynamique qui lui permit d'étendre son implantation au-delà du seul bastion des Forges de Tarnos. Là encore, le travail des premières années de la décennie, à travers la CGPT, portait ses premiers fruits.
 
 

 



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