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5. Le syndicalisme paysan
5.3. L'organisation communiste dans les campagnes
Devant la frilosité des leaders de la C.G.T. et face aux promesses législatives non tenues, le mécontentement des métayers landais trouve un débouché dans le mouvement communiste qui se structure dans les campagnes landaises, comme ailleurs en France. À l'occasion de la grande foire de Tartas, le 19 avril 1928, les deux plus importants leaders ruraux du P.C.F., Renaud Jean du Lot-et-Garonne et Marius Vazeilles de Corrèze, tiennent une réunion publique devant 600 métayers dans la grande halle. Évoquant les conflits d'Ygos et de Carcen-Ponson, Renaud Jean déclare :
" La grève, dans les conditions actuelles ne pouvait être qu'un coup de sonde. Les grévistes vont en payer les frais. Il faut un mouvement plus large, plus profond pour vaincre. "
Il appela à l'adhésion au Conseil Paysan Français, qui est l'organisation paysanne du P.C.F., fondée en 1925. Sous la présidence de Renaud Jean, elle vise à développer la propagande communiste dans les campagnes françaises avec notamment la diffusion de son organe, La Voix Paysanne. Dans les Landes, le syndicat autonome des résiniers et vignerons d'Ygos a déjà adhéré, le 14 janvier 1928 à l'organisation, sous l'impulsion de Jean-Laurent Grué (78 voix pour l'adhésion, 8 contre et deux nuls).
Les suites de la réunion du 19 avril 1928 sont importantes, car nombre de métayers présents sollicitent les deux leaders paysans du P.C.F. pour tenir des réunions et pour constituer des comités locaux du Conseil Paysan Français. Renaud Jean et Marius Vazeilles animent alors de nombreuses réunions entre le 10 et le 17 juillet 1928 (Renaud Jean à Cassen, Montfort, Pomarez, Hagetmau, Saint-Sever et Marius Vazeilles à Arengosse, Ygos, Garein, Carcen-Ponson, Tartas, Souprosse et Clermont). Au terme de la tournée, un congrès est réuni le 18 juillet à Dax, en présence de Marius Vazeilles et du secrétaire régional de la C.G.T.U., Étienne Lescouttes : 130 délégués représentant une quarantaine de communes y assistent.
Pour contrer cette audience grandissante des structures communistes dans les campagnes landaises, Joseph Désarménien et la C.G.T. convoquent une conférence syndicale, le 3 juillet 1928 à Tartas, et un Congrès le 25 à Dax. Néanmoins, le travail de propagande des communistes donne des résultats immédiats avec la création de comités paysans locaux et cantonaux. Sur le modèle du syndicat d'Ygos, plusieurs groupements de métayers votent leur adhésion au Conseil Paysan Français à l'instar du syndicat des métayers de Saint-Jean-de-Marsacq, le 25 juin 1928. En septembre, l'ensemble des organisations paysannes de la C.G.T.U. s'associe au Conseil Paysan Français et le journal de l'organisation communiste "La Voix Paysanne" se diffuse massivement dans les campagnes landaises à partir de cette date. Bien que dénoncée par la droite, par les députés radicaux et par la C.G.T. comme une organisation communiste subversive, le Conseil Paysan Français voit le nombre de ses adhérents augmenter et son influence s'étendre.
Avec l'aide du Conseil Paysan Français et le dévouement de ces militants, le P.C.F. en tant que tel développe son audience dans le monde rural landais. En effet, si la plupart des militants communistes mettent essentiellement l'accent sur le monde ouvrier, et notamment les Forges de l'Adour, certains comme Vital Gilbert (un ancien ouvrier électricien de Paris installé dans les Landes vers 1930), Jean Bébé (fils d'agriculteur devenu ouvrier aux Forges de l'Adour puis, après son renvoi de l'usine, exploitant d'une petite propriété à Tarnos) et l'instituteur de Dax, Jean Dalès militent surtout dans les milieux paysans. Ils cherchent à étendre l'influence du P.C.F. dans les milieux paysans frappés par la mévente des produits agricoles, la baisse du prix de la résine et les conditions difficiles du métayage.
L'action communiste dans les campagnes landaises est renforcée à partir de 1928, par l'installation d'Auguste Chartier comme marchand de produits laitiers à Dax. Cet ancien cultivateur-viticulteur de Cherves-de-Cognac, en Charente, où il a été l'un des principaux responsables communistes et spécialistes de l'agitation en milieu paysan, est l'un des membres fondateurs du Conseil Paysan Français. D'autre part, en liaison avec Renaud Jean, Maurice Perse responsable de la section " agit-prop " dans la 12e région de la C.G.T.U., essaie d'accroître, auprès des métayers, résiniers, gemmeurs landais, l'influence du Conseil Paysan Français.
Des comités de défense paysanne liés au P.C.F. sont mis en place à la fin des années 1920. Ils prennent en charge, contre l'arbitraire des propriétaires, les intérêts juridiques et matériels des métayers et sont notamment animés par Daniel Badets, métayer à Heugas, et Gabriel Cazaux, métayer à Meilhan. Ce dernier entre au conseil municipal de sa commune en 1929, puis est expulsé de la métairie où il travaille, en raison de son activité syndicale ; il doit alors acheter une petite propriété.
Le travail de propagande du P.C.F., qui se heurte aux efforts similaires faits par la C.G.T., aboutit à la tenue, à Tartas, les 20 et 21 avril 1929, du congrès constitutif de l'Union départementale des syndicats et comités des paysans-travailleurs dont l'audience est limitée. Si ses effectifs sont peu élevés (600 cotisants), l'Union fait montre d'une incontestable vitalité à travers un soutien aux comités de défense paysanne, mais également avec l'organisation de nombreuses manifestations. La manifestation de Saint-Yaguen est la plus significative : les militants, soutenus par Maurice Perse, s'opposent à la vente après saisie, des biens d'un métayer. L'Union départementale des syndicats et comités des paysans-travailleurs est dirigée par Jean Curculose, agriculteur à Carcarès-Sainte-Croix, membre du P.C.F. depuis 1927, ainsi que par Jean Bourguet, petit propriétaire exploitant et résinier, qui anime le " syndicat des métayers, résiniers et parties similaires " de Carcen-Ponson. Ce dernier adhère, le 9 juillet 1929, au Parti communiste.
Ce rassemblement des organisations paysannes du P.C.F. au sein de l'Union départementale des syndicats et comités des paysans-travailleurs doit notamment permettre le succès d'une entreprise de syndicalisation portée par Renaud Jean. Le 18 novembre 1928, Renaud Jean participant à une réunion à Saint-Martin-de-Hinx, a proposé que le syndicat local envoie un délégué au Congrès constitutif de la Confédération Générale des Paysans Travailleurs (CGPT), en mars 1929, à Montluçon (Allier). Les métayers et paysans communistes doivent, en effet, se rassembler à partir de cette date dans une organisation syndicale qui leur est propre.
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