La Première Guerre mondiale et ses conséquences
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5. Le syndicalisme paysan

5.2. La division syndicale dans le monde rural

La scission du mouvement socialiste a d'importantes répercussions dans le monde paysan, avec une division entre d'une part, les syndicats de l'Union des syndicats confédérés de l'Adour (C.G.T.) de tendance socialiste ou radicale et d'autre part, les organisations paysannes du P.C.F. et la C.G.T.U.. Dans ce contexte de division organisationnelle et d'irruption des thèmes politiques dans le mouvement syndical, la fédération des métayers et des gemmeurs, qui a adhéré à la C.G.T. en 1912, reprend son autonomie. Après ces scissions, la police recense l'état des forces syndicales dans le monde paysan landais. L'affiliation des 48 syndicats agricoles est la suivante : 26 syndicats autonomes (Fédération des gemmeurs-métayers) comptant 5 461 membres, 17 syndicats C.G.T. regroupant 1 710 membres et 6 syndicats C.G.T.U. rassemblant 667 adhérents.


Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la première tâche des gemmeurs est de réorganiser leur fédération. Cette réorganisation s'effectue dans les années 1919-1920 et conduit à un rapprochement avec leurs voisins : en 1919, la Fédération des gemmeurs de la Gironde, créée en 1909, rejoint celle des Landes, et les ouvriers résiniers des deux départements se rassemblent au sein de la Fédération des gemmeurs et métayers du Sud-Ouest. À cette époque, le cours de la gemme a atteint des sommets inédits. Au cours des années 1920, le syndicalisme résinier prend alors un nouvel essor. C'est à cette époque qu'est formulée la première demande d'un " statut légal du gemmeur ", qui traduit à la fois une aspiration au statut de salarié et un affaiblissement de l'identité paysanne de la corporation. D'autre part, le mouvement commence à gagner la Grande Lande, ainsi que l'ensemble de l'arrière-pays et ne concerne plus seulement le littoral, comme par le passé.


Fragilisé par l'échec des mouvements de 1919-1920, le syndicalisme agraire landais n'amorce son renouveau qu'à partir de 1926, avec la tenue d'importantes réunions et la constitution de plusieurs syndicats. Au début de cette année-là, un important congrès de métayers a lieu à Sainte-Marie-de-Gosse, à l'initiative de l'Union des syndicats C.G.T. du Bassin de l'Adour et de son secrétaire Joseph Désarménien, maire-adjoint socialiste de Bayonne depuis 1925. Le délégué à la propagande de la C.G.T., Aimé Rey, a auparavant parcouru le département pendant plusieurs semaines, afin de préparer le congrès. Le jour du congrès, le 18 janvier 1926, plus de 200 délégués sont accueillis par le maire Joseph Marmande. On note notamment la présence de deux parlementaires, Léo Bouyssou et Robert Lassalle, ainsi que du syndicaliste ouvrier italien Alexandre Viro. Concernant les ruraux, siègent à la tribune, Miremont de Saint-Vincent-de-Tyrosse ainsi que Dupreuilh et Sautier, tous deux originaires de Sainte-Marie-de-Gosse. Les délégués s'accordent sur l'objectif de la promulgation d'une loi mettant fin au statut du métayage de 1889, projet soutenu par les députés radicaux présents dont Léo Bouyssou, premier vice-président de la Chambre. Le projet de loi n'est en fait pas soutenu par les députés landais qui ne le déposent que le 22 avril 1928, sans se soucier de sa prise en compte.


Les organisateurs de ce congrès et les leaders ruraux de la C.G.T. sont en proie à une concurrence de la part des militants communistes qui impulsent la création de syndicats affiliés à la C.G.T.U., dont les revendications sont plus pressantes. La rivalité entre les deux tendances syndicales, l'une plutôt socialiste et radicale et l'autre proche des thèses communistes, s'accroit après le déroulement de grèves contre les corvées et les redevances en mars-avril 1926, à Ygos et Carcen-Ponson. Ces deux villages se situent dans la région agricole du Brassenx, à forte composante forestière, où les résiniers métayers sont nombreux.


Le 29 novembre 1925, un syndicat des métayers, résiniers et vignerons se constitue à Ygos sans s'affilier à une fédération syndicale, puis le 24 janvier 1926 un autre syndicat voit le jour à Carcen-Ponson. Le syndicat d'Ygos compte jusqu'à 200 adhérents. Son président d'honneur est Maurice Lamarque, maire, industriel du bois et propriétaire foncier, mais, dans la pratique, le syndicat fonctionne sans lui. Les syndiqués rédigent un cahier de revendications qui est soumis aux propriétaires fonciers, le 28 février 1926. Après le refus des propriétaires, des grèves des travaux agricoles se déclenchent le 3 mars à Ygos, puis le 13 mars, à Carcen-Ponson. Malgré l'arrivée, le 7 mars, à Ygos des responsables de la C.G.T. (Joseph Désarménien, Aimé Rey et Marty Rolland) qui prônent le calme et critiquent la décision de la grève, le conflit se durcit progressivement : les métayers détruisent les pots à résine, éciment plusieurs centaines de pins et incendient une palombière.


Le conflit se règle au coup par coup, chaque métayer révisant les conditions de son engagement auprès de son propriétaire. Les conflits prennent fin le 28 mars à Ygos, et le 15 avril à Carcen-Ponson. Dans l'ensemble, les métayers n'ont obtenu que des aménagements partiels, sans qu'il y ait une remise en cause du métayage ou de réelle augmentation générale de leur part des récoltes. Les redevances sont ainsi maintenues concernant le quart de porc. Les conflits ont surtout signalé une radicalisation de la lutte des métayers pouvant servir les militants communistes de la C.G.T.U. et du P.C.F. dans leur concurrence avec la C.G.T., qui a refusé de soutenir le mouvement. Ainsi, en provenance de Bordeaux, le leader paysan du P.C.F., Renaud Jean, arrive à Ygos l'après-midi du jour de l'assemblée générale des métayers qui vota la fin de la grève. Il s'entretient avec le bureau du syndicat avant de repartir pour Mont-de-Marsan vers 21 heures.


En outre, la tension sociale ne faiblit pas, car dès le mois de mai 1926, des congés sont signifiés aux meneurs du mouvement à Ygos et à Carcen-Ponson. Les contestations face à l'expulsion des métayers en lutte font d'Ygos le centre du mouvement syndical landais de cette période : les réunions y sont très fréquentes et fortement suivies. Le 18 février 1927, Renaud Jean y prend la parole devant environ 300 auditeurs. Le 12 juin 1927, Jean-Laurent Grué, président du syndicat local C.G.T., organise une conférence qui réunit 500 auditeurs. Il faut également à souligner que le syndicat landais des ouvriers bûcherons (60 inscrits) y a installé son siège.


Après le congrès des métayers de Sainte-Marie-de-Gosse du 18 janvier 1926, une nouvelle réunion très importante de l'Union C.G.T. des syndicats confédérés de l'Adour se déroule sous la halle d'Ygos, le 20 novembre 1927. Annoncée par des affiches et des tracts dans tout le département ainsi que dans le Sud de la Gironde et dans l'Ouest du Lot-et-Garonne, cette réunion a pour but de présenter le projet de modification de la loi sur le métayage de 1889. Plus de 1 500 personnes assistent à la réunion, qui est animée par Jean-Laurent Grué, et à laquelle participent également Joseph Désarménien, Léo Bouyssou et Paul Deyris ainsi que le dirigeant national de la C.G.T., Léon Jouhaux. On annonce alors le dépôt du projet de loi par le député landais et radical Robert Lassalle. Renaud Jean, qui n'a pas été invité, est également présent. Il dénonce dans ce projet de loi, une manœuvre électoraliste des députés radicaux, condamne le projet comme n'apportant rien de vraiment nouveau et annonce son intention de déposer des amendements, si le projet est discuté avant les élections de 1928, ce dont il doute avec raison. Le dépôt du projet ne connaît en effet pas de suite, et il faut attendre 1946 pour obtenir la loi qui permette le passage du métayage au fermage.
 
 

 



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