Les débuts du mouvement social
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4. Le monde ouvrier

A la fin des années 1890, Jules Guesde assure plusieurs réunions dans le secteur de Bayonne et encourage la syndicalisation des ouvriers. Malgré tout, la mobilisation ouvrière reste faible dans le département des Landes, qui est quasi-exclusivement rural. Le peuplement ouvrier (mouleurs, sabotiers, bouchonniers, scieurs, ébénistes, ouvriers du bâtiment) est faible et surtout peu concentré hormis à Boucau et Tarnos, avec l'implantation d'une industrie métallurgique, les Forges de l'Adour.



Quelques entreprises sont implantées dans les principales communes : la minoterie de Peyrehorade emploie 60 ouvriers, la compagnie Saint-Gobain installée à Aire-sur-l'Adour, 150 ouvriers, l'entreprise Tinarrage de Mont-de-Marsan, 50 mouleurs, les scieries de Tartas 250 ouvriers… On compte également 400 bouchonniers travaillant chez 20 patrons.


En décembre 1899, un syndicat est fondé dans les Forges de l'Abesse, au cours d'une période de crise de l'activité économique de la commune de Saint-Paul-lès-Dax. Le délégué syndical Laps, fondateur du syndicat, est renvoyé, lorsque des nouveaux syndiqués présentent des revendications. Les ouvriers réagissent immédiatement en adressant une requête au propriétaire des Forges : ils réclament le renvoi du directeur. Ils sont alors licenciés et la tension monte : l'usine est fermée le 24 février 1900, et les métayers fidèles au patron montent la garde autour de la fonderie et de la maison du directeur. Ces événements permette au patron de se débarrasser des éléments qu'il juge subversifs et qualifie d'anarchistes.


Le mouvement ouvrier est ainsi peu développé et porté par un nombre limité de militants relativement isolés. Le syndicalisme ouvrier landais doit beaucoup à l'ouvrier typographe, Anselme Ricard, qui, après son tour de France (1898-1902), impulse la constitution de nombreux syndicats locaux de tonneliers, charpentiers ou maçons. Il est le principal organisateur du mouvement ouvrier au début du siècle. Ouvrier lui-même depuis ses quatorze ans et syndiqué depuis 1902, il milite au syndicat des typographes de Mont-de-Marsan, l'un des rares milieux ouvriers connaissant une syndicalisation conséquente.


Le syndicat des ouvriers typographes est fondé en juillet 1888. Lafurie le préside pendant de longues années puis, en 1902, Anselme Ricard occupe cette fonction. En 1905, il est délégué au congrès de la Fédération des Travailleurs du Livre C.G.T., qui se tient à Lyon. L'année suivante, le 1er mai, le syndicat obtient la journée de 9 heures, avec le même salaire que pour 10 heures. En décembre 1907, la section syndicale revendique le tarif de 4,50 F. Tous les patrons ayant refusé de souscrire à cette revendication, une grève générale est déclenchée le 24 décembre, avec la mobilisation de 23 ouvriers. Elle obtient gain de cause dans l'imprimerie Dupeyron, le 13 janvier 1908, puis, trois mois plus tard, les autres entreprises accèdent aux revendications. En janvier 1911, le syndicat veut négocier un nouveau tarif à 5 francs pour 9 heures : tous les patrons, sauf Dupeyron, donnent satisfaction aux ouvriers. Dupeyron restant intraitable, la grève est déclenchée le 6 mars : sur 11 ouvriers syndiqués, 9 suivent la grève. Après 5 mois de grève, Dupeyron capitule et reprend presque la totalité des ouvriers.


Renvoyé de l'imprimerie Arthur Dupeyron par son patron à la suite de la grève, Anselme Ricard fonde puis dirige, place Saint-Roch, une coopérative ouvrière, l'Imprimerie nouvelle. Il prend également des responsabilités dans la S.F.I.O. qu'il a rejoint, mais surtout à la C.G.T. où il s'occupe notamment de la propagande. En décembre 1906, l'union locale des syndicats de Mont-de-Marsan l'a délégué pour aller saluer à Morcenx le premier congrès des résiniers landais et tente d'obtenir, sans succès, de la fédération qui s'y constitue, son adhésion à la C.G.T..


En mars 1906, le syndicat des charpentiers (environ 30 membres), fondé par Anselme Ricard, réclame une augmentation de salaires. La grève éclate et dure 3 semaines, jusqu'à ce que les salaires soisent augmentés de 30 % et la journée de travail ramenée à 10 heures contre 12 ou 13 heures auparavant. En 1913, le syndicat n'existe plus et les charpentiers sont payés 3 F par jour, en moyenne. En 1906, le syndicat des maçons, créé également par Anselme Ricard et composé de 40 membres environ, soutient une grève qui porte la journée à 4 F pour 10 heures. Les patrons ne respectant pas leurs engagements, une nouvelle grève a lieu, en avril 1907. Elle échoue et le syndicat est désorganisé : en 1913, le salaire est de 3,50 F par jour pour 10 heures. En 1907, Ricard constitue un syndicat des tonneliers qui obtient 3,50 F pour 10 heures, mais en 1913, le syndicat n'existe plus.


Des syndicats d'ouvriers scieurs existent également, mais sont fragiles. Ces ouvriers du bois travaillent soit dans des ateliers, soit avec des scieries portatives. Les bouchonniers, quant à eux, sont regroupés dans des ateliers comptant entre 10 et 60 ouvriers, ils fournissent eux-mêmes leurs outils et gagnent de 45 à 50 sous par jour au début du XXe siècle. Les conditions de travail des employés des fabriques d'enveloppes de paille sont particulièrement pénibles et révoltent les militants socialistes : les hommes, les femmes mais également les enfants, besognent dans des locaux insalubres. L'atelier est un hangar en planches avec de très petites fenêtres où flottent les poussières irritantes de la paille arrachée et où la tuberculose se propage, aidée par de mauvaises conditions d'hygiène.


Le principal point d'organisation ouvrière dans le département se situe dans les Forges de l'Adour à Boucau. Le mouvement syndical ouvrier y prend naissance en 1896 avec la fondation de la chambre syndicale de l'Union métallurgiste par le tourneur Jean Cazade et les frères (Maxime et Joanny) Perrin. A l'image de Jean Cazade, la plupart des ouvriers des forges et des laminoirs sont issus des campagnes des alentours et ont de fortes racines paysannes qui retardent l'organisation ouvrière et son orientation socialiste. En 1906, les ouvriers sont payés 70 F par mois.


En février 1900, sous l'impulsion de Jean Cazade, sont créées une Maison du peuple et une coopérative. Cette dernière a pour objet l'achat en gros et au comptant de tous les articles de ménage et de consommation et leur répartition entre les membres au prix de revient. Elle est animée par des militants qui ne soent pas socialistes; lors des élections municipales à Boucau où, avec Tarnos, la plupart des ouvriers résident, les radicaux dominent largement les socialistes. En 1912, le leader ouvrier des Forges, Jean Cazade, entre avec l'étiquette de radical-socialiste au conseil municipal de Boucau.


La principale concentration ouvrière du département ne connait pas de mouvement de grève, avant la Première Guerre Mondiale. En revanche, les mouleurs de Mont-de-Marsan, plus organisés, entrent à deux reprises en grève. Le syndicat des mouleurs sur métaux est créé en 1902. Il comprend environ 40 membres lorsqu'éclate le 24 juin 1906, une grève dans la seule fonderie de Mont-de-Marsan, la maison Tinarrage. Cette grève a lieu à la suite de violences exercées par un non-syndiqué sur un syndiqué. C'est l'occasion pour les mouleurs de reprendre des revendications présentées trois mois plus tôt et restées lettre morte (salaire de 0,25 F de l'heure pour les manœuvres et de 0,35 F pour les ouvriers). Après 15 jours de grève, Tinarrage accorde l'augmentation et les ouvriers réintégrent l'atelier. Quinze jours plus tard, le contre-maître renvoie le secrétaire du syndicat, Haegi. Les mouleurs indignés quittent l'usine par solidarité, à l'exception de 4 ou 5 travailleurs qui restent enfermés dans l'usine, leurs femmes leur apportant à manger. Le 9 juillet, les grévistes veulent aller s'entretenir avec les " renégats " et se réunissent devant l'usine. La police intervient et 4 grévistes sont poursuivis devant le tribunal correctionnel et condamnés à 16 francs d'amende. Après plus d'un mois de grève, les ouvriers, qui ne reçoivent plus d'aide de leur fédération, doivent rentrer à l'usine et le patron leur fait signer un papier attestant qu'ils ne feront plus partie du syndicat. Quelques grévistes, dont le secrétaire du syndicat, doivent s'expatrier.


En 1907, les mouleurs de Mont-de-Marsan se mobilisent à nouveau et encore une fois dans une certaine indifférence, car ni la fédération socialiste ni la direction de la C.G.T. ne leur apportent un véritable soutien organisationnel. Après 5 semaines de grève, ils touchent 9 francs chacun. Ce conflit illustre la faiblesse de l'organisation du mouvement ouvrier dans le département avant la Première Guerre Mondiale. Ni la S.F.I.O., ni la C.G.T. ne sont en mesure d'impulser et d'aider des conflits sociaux dans les milieux ouvriers landais. Les maçons qui se mettent en grève la même année, ne sont soutenus que par l'organisation d'une souscription. A la veille du premier conflit mondial, les ouvriers résiniers plus que les ouvriers de la métallurgie ou du bâtiment sont bien à la pointe du mouvement social dans le département.
 
 

 



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