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2. L'émergence du courant socialiste
2.2. L'implantation socialiste
Le groupe socialiste de la commune rurale de Pomarez est l'un des premiers à se mettre en place au début du siècle sous l'impulsion d'un boucher, Joseph Lussan. Ce dernier adhére au Parti Ouvrier Français (P.O.F.) de Jules Guesde lorsqu'il travaille à Paris et, de retour, dans son village natal, y forme le groupe " Les Solidaires des Landes ", définitivement constitué en 1903 et affilié au Parti Socialiste de France (P.S.D.F.). Élu dès 1904 au conseil municipal, son élection est annulée parce que son beau-père y siége. Il y rentre dès le 1er tour en 1908, avec 349 voix (trois fois plus que le deuxième de sa liste). En 1905, se constitua le groupe S.F.I.O. de Pomarez avec, pour premier secrétaire, Paillou, un instituteur qui abandonne rapidement la lutte politique. Le groupe revendique, en octobre 1906, une quinzaine d'adhérents sur un total de 90 cartes pour la fédération des Landes.
Candidat en 1906 aux élections législatives dans la circonscription de Saint-Sever, Joseph Lussan n'obtient que 317 voix. L'année suivante, Jean Ducasse, tailleur dans la commune, rejoint le groupe socialiste, qui ne compte que 7 membres en février. Il assure le secrétariat du groupe et collabore à plusieurs reprises à la presse socialiste régionale, à La Tribune Socialiste , puis à L'Avenir social. Dans ce dernier journal, Jean Ducasse publie une série d'articles sur les employés des grands magasins. Membre du comité fédéral de la S.F.I.O. des Landes en 1907, il est délégué au Conseil National en 1908 et, en février 1910, mandaté au congrès national de Nîmes. Succédant à Joseph Lussan comme candidat socialiste lors des élections législatives de 1910, il ne rassemble que 237 voix.
Les militants socialistes de Dax sont également des pionniers, lorsqu'ils se rassemblent au sein du groupe Diderot, l'un des premiers groupes socialistes du département. Cette section locale du Parti Socialiste Français (P.S.F.), fondée en 1901 et composée de 80 membres, est cependant moins un groupe socialiste qu'un groupe républicain, destiné à combattre l'influence du sénateur Milliès-Lacroix et du député Théodore Denis. Bien que soutenu par certains cheminots, le groupe est sans base ouvrière sérieuse et ses divisions internes se traduisent par une vie mouvementée et instable. En 1905-1906, le groupe perd les trois quarts de ses effectifs. En novembre 1906, Gatuingt, le trésorier de la jeune fédération socialiste, est secrétaire du groupe comptant une vingtaine d'adhérents, également animé par le négociant en chiffon Octave Castex et l'employé de commerce Henri Darnaudet. Lors des élections municipales de 1908, Henri Darnaudet obtient 368 voix et Octave Castex 468 voix. Lorsque ce dernier se présente contre le populaire député radical Léo Bouyssou aux élections législatives de 1914, il ne recueille que 183 voix.
C'est en novembre 1906, après un meeting du dirigeant socialiste Marcel Cachin mobilisant une cinquantaine d'auditeurs, que se fonde dans le chef-lieu des Landes, à Mont-de-Marsan, un groupe socialiste affilié à la S.F.I.O.. A sa fondation, il compte 20 membres, puis 2 autres individus le rejoignent rapidement. Son secrétaire, l'employé de commerce Onésime Cayré, est à deux reprises, en 1909 et en 1912, candidat aux élections municipales. En 1910, lors des élections législatives, la fédération S.F.I.O. appuie Honoré Mailhes, déjà candidat en 1906 sous l'étiquette républicaine, qui obtient dans la 1re circonscription de Mont-de-Marsan, 2 392 voix. A partir de 1912, le groupe est dirigé par Anselme Ricard, président du syndicat des typographes des Landes et administrateur du journal socialiste et syndicaliste l'Avenir social. Comme Onésime Cayré, il est candidat aux élections municipales (1908, 1909 et 1912) et toujours battu. Il rassemble cependant un nombre de voix toujours croissant, non seulement au premier tour, mais au second où, appliquant la tactique préconisée par la fédération S.F.I.O. des Landes, il se maintient constamment. Ainsi en 1908, il recueille 500 voix au second tour du scrutin après avoir refusé de s'allier aux radicaux. Lors du scrutin législatif de 1914, Honoré Mailhes n'obtient que 1 848 voix dans la 1re circonscription de Mont-de-Marsan, soit 500 de moins qu'en 1910.
Le groupe socialiste d'Aire-sur-l'Adour se constitue en décembre 1906. En juillet 1908, il compte 10 adhérents, mais lorsque Marcel Cachin tient une réunion publique dans la localité, 10 auditeurs seulement sont dénombrés. Le dénommé Deviras, originaire de l'Aude, est le principal militant socialiste de la commune. " Étoile filante du socialisme " selon Compère-Morel, il est délégué au congrès national de la S.F.I.O. à Saint-Étienne en 1909, où il fait une intervention sur la question agraire, mettant l'accent sur l'exploitation à la campagne, des femmes et des enfants. Le groupe socialiste local est en effet ancré très à gauche, et les " insurrectionnels " de la tendance de Gustave Hervé y sont nombreux. Léon Bazat, de tendance " hervéiste ", qui accéde en 1910 à la tête de la fédération départementale, est l'un des militants de la commune. Les guesdistes reprennent cependant rapidement la tête de l'organisation socialiste locale et Deviras quitte à cette occasion la S.F.I.O..
Hormis ces sections implantées à Pomarez, Dax, Mont-de-Marsan et Aire-sur-l'Adour, avant la guerre, la plupart des groupes locaux affiliés à la S.F.I.O. sont fragiles et portés par un nombre restreint de militants qui président en même temps aux destinées de la fédération départementale et se présentent aux élections, sans grande chance de succès. Ainsi à Habas, le sabotier Maurice Polony est secrétaire d'un petit groupe socialiste tout en étant trésorier fédéral de 1907 à 1910. Il est candidat " par devoir protestataire ", c'est-à-dire sans aucun espoir, aux élections municipales en 1908, puis aux élections cantonales pour le canton de Pouillon en juillet 1907.
Dans de nombreuses communes rurales, il faut attendre les grandes grèves des résiniers et surtout, la fin de la première décennie du siècle pour voir la constitution de groupes socialistes sous l'impulsion de Jacques Lamaison. La première réunion publique socialiste de Lit-et-Mixe où se déroule en 1907 un conflit social très dur, ne se tient qu'en avril 1908. Les militants Octave Castex de Dax et René Cabannes de Bayonne sont les animateurs de cette réunion.
Dans les villages, le syndicat des gemmeurs et le groupe socialiste sont souvent animés par les mêmes hommes qui privilégient cependant l'engagement syndical. Les groupes socialistes sont alors peu étoffés. A Castets, après le meeting de Marcel Cachin le 25 novembre 1906 qui rassemble 250 auditeurs, un groupe est constitué par Gérôme Sourbé. Secrétaire du syndicat des gemmeurs, ce dernier consacre l'essentiel de son activité militante au syndicat, et Marcel Cachin note une certaine anarchie dans l'organisation socialiste de la commune. Tombé en léthargie, le groupe est relancé après la tournée en novembre 1908 de Nadi, délégué permanent de la S.F.I.O. et de Jacques Lamaison. Le groupe de Soustons se constitue en juillet 1908, après la venue de Jacques Lamaison et Marcel Cachin, avec notamment Paul Pinsolle, le trésorier de la fédération landaise des gemmeurs, qui devient ensuite secrétaire adjoint de la fédération S.F.I.O..
Dans le village de Sainte-Eulalie-en-Born, Jean Lamarque, conseiller municipal depuis 1908, est plus connu comme syndicaliste gemmeur et organisateur du mouvement de grève du printemps 1907, que comme militant socialiste. Lors du meeting de Marcel Cachin le 13 juillet 1908, il y a cependant 150 auditeurs. Les militants socialistes forment comme ailleurs, la minorité la plus active du syndicat des résiniers. En septembre 1911, la commune compte 80 syndiqués et 12 socialistes. A Saint-Martin-de-Seignanx, le socialisme se réduit au syndicalisme des ouvriers résiniers : une liste de métayers se présente aux élections municipales en mai 1908 où elle obtient 200 voix et 30 métayers sont alors abonnés à la Tribune Socialiste.
Les groupes socialistes locaux sont principalement animés par des métayers, ouvriers et artisans. A Ossages, en juillet 1908, 50 auditeurs assistent à un meeting de Marcel Cachin : il s'agit essentiellement de petits sabotiers et de métayers. A Tartas, les militants sont des ouvriers des scieries et des métayers : lorsque Marcel Cachin y tient un meeting en juillet 1906, il y a 250 auditeurs, dont la moitié de métayers. En 1908, à Villeneuve-de-Marsan, la S.F.I.O. est représentée par un menuisier, Duvigneau, conseiller municipal, et par un instituteur.
Dans d'autres communes, les militants sont isolés et la fédération ne parvient à constituer des groupes structurés qu'à la veille de la Première Guerre Mondiale. A Mimizan, il faut attendre 1911-1912, pour que des socialistes se rassemblent au sein d'un groupe adhérant à la Fédération S.F.I.O.. Henry Dupouy, surnommé " le caporal ", en est l'un des principaux animateurs. Il travaille comme gemmeur dans la localité, et devient trésorier du syndicat des résiniers à sa fondation, au printemps 1906. Conseiller municipal en 1908, il est réélu en 1912.
Le groupe socialiste de Morcenx connait une forte activité avant la guerre avec Jean Labeyrie, un ancien instituteur devenu négociant en bois et directeur de la " Térébenthine française ". Détenteur d'une fortune assez importante, il posséde plusieurs domaines de pins à Pouillon (Gourbera, Buglose et Solférino). Plutôt radical dans un premier temps, il est ensuite membre du groupe socialiste de Morcenx qui le délègue aux congrès de la fédération des Landes. Il préside en décembre 1912, la commission chargée de juger la façon dont Onésime Cayre a tenu la comptabilité fédérale. Malgré tout, son audience reste limitée, car lors des élections législatives de 1910 et 1914, il obtient respectivement 532 et 437 voix.
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