Les débuts du mouvement social
Bibliographie 1830 - 1890 1890 - 1914 1914 - 1934 1934 - 1939 1939 - 1945 1945 - 1958 1958 - 1981
   Index des noms cités   -   Carte des Landes   -   Carte des pays   -   Carte des circonscriptions   -   Chronologie   -   Démographie   -   Plan du site  

 

 
 
 

Home > Les débuts du mouvement social (1890-1914) > L'émergence du courant socialiste > L'organisation socialiste



2. L'émergence du courant socialiste

2.1. L'organisation socialiste

Avant l'unité socialiste de 1905, deux sections socialistes existent dans le département, à Dax et à Pomarez. La première, fondée en 1901 et affiliée au Parti Socialiste Français (P.S.F.) est composée de 80 membres et la seconde est fragile, malgré l'activisme de Joseph Lussan, ancien militant du Parti Ouvrier Français (P.O.F.). Auparavant, il y avait également à Sore un militant isolé, qui appartenait au P.O.F. depuis 1885 et adhérait à la fédération de la Gironde.


C'est à partir de la création de la S.F.I.O. en 1905 que les activités militantes des socialistes landais prennent leur essor, notamment autour du milieu cheminot de Dax. Les socialistes sentent déjà que les zones de gemmage sont favorables au développement de leurs idées. Jacques Lamaison écrit dans Le Socialiste : " Les Landes seront un terrain admirable pour la propagande socialiste, à condition que les propagandistes y viennent souvent ". Aussi, quelques responsables nationaux se rendent-ils régulièrement dans le département pour y tenir réunion. Ils parviennent à susciter la création de groupes locaux, dont certains ne sont toutefois qu'éphémères.


Durant ses premières années, la fédération landaise de la S.F.I.O. est prise en charge par les membres du groupe socialiste de Dax, l'un des premiers à voir le jour dans le département. Elle est dirigée à partir de janvier 1906 par le négociant en chiffons, Octave Castex, qui ne fait apparemment pas preuve de grandes qualités d'organisateur, car en septembre 1906, aucune carte n'est encore commandée au siège national. Le secrétaire adjoint (Henri Darnaudet) et le trésorier (Cougouille) sont également des militants de Dax.


Le dirigeant national du parti, Marcel Cachin, effectue une première tournée dans le département, du 18 au 31 juillet 1906, surtout en Chalosse : il trouve alors une fédération à peine organisée. Le développement du parti est au point mort, car son secrétaire, Octave Castex, effectue son service militaire à Bayonne tandis que le secrétaire adjoint, Henri Darnaudet, est voyageur de commerce et donc souvent absent. Après plusieurs meetings dans la Chalosse, Marcel Cachin est cependant relativement optimiste pour l'avenir : à Castaignos, Labatut, Tilh, Ossages, Aire, Gaujacq, Mont-de-Marsan, Rion, Grenade, Castets, Peyrehorade, Tartas, Pontonx, des militants promettent de créer des groupes socialistes et de fonder des syndicats de métayers. En réalité, deux nouveaux groupes seulement sont créés : celui de Mont-de-Marsan, dont le secrétaire est Onésime Cayre, et celui de Labatut, dont le secrétaire est Maurice Polony.


Le premier congrès de la fédération S.F.I.O. des Landes se tient à Dax, le 21 octobre 1906 : Gatuingt y est élu premier secrétaire et Cougouille, trésorier. L'essentiel des militants qui y participent vient de Dax (Cougouille, Darnaudet, Gatuingt, Lesbégueries, Lacombe, Sanchez, Bidart et Lamaison), mais sont également présents, Lussan et Ducasse de Pomarez, Polony de Labatut, Ducasse de Castaignos, Bienabe d'Ossages, Lalanne de Mont-de-Marsan, Lagardère d'Aire-sur-l'Adour et Dessars de Tilh. Les groupes de Dax et de Mont-de-Marsan comptent alors 20 cartes, ceux de Labatut et de Pomarez une quinzaine.


En novembre 1906, la jeune fédération socialiste participe à son premier congrès national, à Limoges. Elle y envoie Joseph Lussan, boucher à Pomarez. Au Conseil National de la S.F.I.O., le département est représenté par Henri Darnaudet. En 1907, le congrès de la fédération a lieu le jour de la Pentecôte à Mont-de-Marsan. La S.F.I.O. compte alors sept groupes. Le groupe de Sore a été créé par Jacques Lamaison avec pour secrétaire, Patanchon, et ceux de Peyrehorade et de Sore créés par Marcel Cachin. Alors que Jacques Lamaison est désigné comme délégué au congrès national de Nancy et Onésime Cayre chargé de la trésorerie, c'est un militant ouvrier de Mont-de-Marsan, Anselme Ricard, qui est élu premier secrétaire de la fédération qui compte alors selon le rapport du congrès 138 militants. Cet ouvrier typographe de l'imprimerie Arthur Dupeyron est avant tout un syndicaliste : il aide à la constitution de nombreux syndicats de tonneliers, charpentiers et maçons. Renvoyé de son entreprise par son patron, il fonde alors à Mont-de-Marsan, place Saint-Roch, une coopérative ouvrière, "l'Imprimerie nouvelle".


Privilégiant une activité militante syndicale dans le milieu ouvrier et local de sa commune de Mont-de-Marsan, Anselme Ricard quitte rapidement la direction du parti. Lors de la réunion du comité fédéral du 27 octobre 1907, Anselme Ricard et Onésime Cayre démissionnent de leurs fonctions et sont remplacés respectivement par Jacques Lamaison et Marcel Polony. Avec l'élection de l'instituteur Jacques Lamaison, issu d'une famille républicaine de la localité progressiste de Sore, à la tête de la fédération socialiste des Landes, celle-ci trouve alors une certaine stabilité qui lui manquait depuis sa fondation. A la fin de l'année, Jacques Lamaison organise un groupe d'une quinzaine de membres à Soustons après une réunion de Marcel Cachin. Entre temps, la petite section de Peyrehorade disparait et la fédération, qui a placé 125 cartes durant l'année, compte donc toujours 7 groupes.


Lors des élections municipales de 1908, des socialistes sont élus pour la première fois dans les communes du département, notamment à Mimizan, Sainte-Eulalie-en-Born et Trensacq. Marcel Cachin fait à nouveau une tournée dans le département du 4 au 12 juillet 1908. Cette venue, contrairement à la précédente où le parti était très faible, et particulièrement remarquée comme le révéle le compte-rendu du Socialiste :

    " Marcel Cachin, accompagné du citoyen Cabannes, a fait du 4 au 12 juillet inclus, dix conférences dans la fédération. A Saint-Martin-de-Seignanx, à l'appel du syndicat métayer ; à Peyrehorade, Ossages, où existent déjà des groupes ; à Villeneuve, où un groupe est en formation ; à Aire, Mont-de-Marsan et Sore, où des groupes existent. Enfin, il a donné une réunion à Mimizan et une autre à Sainte-Eulalie-en-Born. Cette tournée a renforcé les groupes existants et permit la constitution de quatre groupes. La difficulté des communications l'a rendue particulièrement dure, et les militants landais ont à cœur de remercier bien sincèrement Marcel Cachin du dévouement admirable qu'il a montré à la cause du parti dans les Landes "
    (Le Socialiste, édition du 19 au 26 juillet 1908).


Le congrès de la fédération socialiste des Landes se déroule le 12 juillet 1908 à Mimizan, sous la présidence de Léon Betoulle, député de Limoges, assisté de Marcel Cachin. S'il n'y a pas de changement dans le bureau fédéral, les 20 militants présents décident d'intensifier la propagande par des réunions dans chaque village et de porter un effort particulier sur la diffusion de l'organe fédéral, la Tribune socialiste, qui ne compte alors que 470 abonnés. A partir du début de l'année 1907 et jusqu'en août 1909, la fédération landaise partage, avec la fédération socialiste voisine des Basses-Pyrénées l'hebdomadaire La Tribune socialiste, qui atteint 700 à 800 abonnés et un tirage de 1 200 exemplaires. Le principal rédacteur de ce journal basé à Bayonne est René Cabannes, originaire du Lot-et-Garonne, venu au printemps 1907 après l'emprisonnement du gérant. Fondée par une coopérative ouvrière d'imprimerie, La Tribune socialiste est en effet spécialisée dans l'antimilitarisme ; ce qui lui vaut une surveillance particulière de la part des autorités.


Après le congrès, deux réunions sont organisées auxquelles participe Marcel Cachin et où l'on traite de la doctrine du parti et des problèmes des résiniers. Concernat la doctrie, la question de la participation au gouvernement est au centre des interrogations des militants : les républicains-socialistes (18 sont élus à l'Assemblée Nationale en 1906) prônent en effet l'utilisation de l'outil gouvernemental pour faire avancer les idées socialistes. Concernant le problème des résiniers, les socialistes tentent de s'appuyer sur l'effervescence des ouvriers résiniers en conflit récurrent avec les gros propriétaires afin d'une part d'accroître leur audience populaire et d'autre part, de participer à la constitution des syndicats locaux de résiniers. Il s'agit pour les dirigeants fédéraux de la S.F.I.O. de tisser des liens avec l'organisation syndicale des ouvriers résiniers, la " Fédération syndicale des fermiers, métayers et parties similaires de la terre landaise ".


Lors du congrès départemental de 1908, 120 militants sont alors répartis dans 12 groupes locaux, et 10 de ces militants sont élus dans leur conseil municipal. Les premiers responsables de la fédération sont proches du dirigeant national Jules Guesde et doivent convaincre les militants de la nécessité d'une organisation centralisée, car les groupes socialistes locaux tendent à vivre de façon relativement autonome. Jacques Lamaison aidé notamment par le trésorier Maurice Polony, sabotier dans la commune de Habas, travaille à construire une véritable organisation politique capable de présenter des candidats aux élections et parlant d'une seule voix. Au Conseil National, la fédération est représentée en alternance par Jacques Lamaison et Cambier, un autre guesdiste qui vit à Paris. En mars 1908, les 90 adhérents socialistes du département se répartissent comme suit :

Répartition du nombre d'adhérents à la S.F.I.O. en mars 1908

Cliquez sur le diagramme...




En mars 1908, l'ancien secrétaire fédéral Octave Castex propose sans succès la fusion des fédérations socialistes des Landes et des Basses-Pyrénées. Le secrétaire fédéral Jacques Lamaison est surtout en butte aux " insurrectionnels ", c'est-à-dire les partisans du dirigeant national, Gustave Hervé. Sous la pression de ces militants situés à la gauche du parti, Lamaison démissionne, avec Maurice Polony, en 1910. Léon Bazat, du groupe socialiste d'Aire-sur-l'Adour et de tendance " hervéiste ", devient alors secrétaire de la fédération départementale, tandis que Taste, du même groupe, est élu trésorier et Bidart désigné comme délégué au congrès de Nîmes.


S'ouvre alors une période de déclin pour la S.F.I.O. : deux congrès se déroulent pour la seule année 1910 et seuls, les groupes de Labatut, Mont-de-Marsan, Pomarez, Soustons, Aire-sur-l'Adour et Sore sont à jour de cotisations. Au cours de l'année 1910, 70 cartes sont seulement prises et le groupe d'Aire-sur-l'Adour est en fait purement fictif, comme celui de Soustons, d'après les rapports d'organisation interne.


Les insurrectionnels ne parviennent pas à diriger la fédération et les guesdistes reprennent la direction du parti dès 1911, alors que les effectifs sont retombés à 63 cartes. Jacques Lamaison, qui a peut-être démissionné afin de prouver l'incapacité organisationnelle des militants extrémistes, est à nouveau secrétaire fédéral et représentant des Landes au Conseil National de la S.F.I.O.. Le secrétariat fédéral reconstitue le groupe de Sore et crée le 2 avril 1911 le groupe de Parentis-en-Born.


Lors du congrès du 25 décembre 1911, la fédération compte 6 groupes :

Mont-de-Marsan 20 cartes
Pomarez 5 cartes
Labatut 6 cartes
Sore 9 cartes
Dax 9 cartes
Parentis-en-Born 42 cartes



Au début de l'année 1912, le groupe de Pomarez disparait, mais trois groupes sont constitués par Jacques Lamaison à Labouheyre (30 adhérents), Mimizan (25 adhérents) et Morcenx (12 adhérents); les effectifs fédéraux atteignent 145 cartes.


La reprise en main du parti par les guesdistes, confortés dans leur action, n'est pas sans conséquence. Lors du congrès fédéral du 25 décembre 1912, les deux pionniers du socialisme landais, Octave Castex et Henri Darnaudet, protestent contre la réorganisation de la fédération qui donne aux guesdistes l'essentiel du pouvoir, et sont exclus. A ce même congrès, le trésorier fédéral, qui a succédé à Maurice Polony, l'employé de commerce Onésime Cayré, en conflit constant avec les guesdistes, est accusé par Jacques Lamaison de grande négligence dans la tenue de la comptabilité. Il est donc remplacé à cette fonction par Jean Lamarque, ancien garde champêtre devenu gemmeur dans le village de Sainte-Eulalie-en-Born.


Avec la progression de l'opinion socialiste, la fédération de la S.F.I.O. vit l'arrivée de militants ayant initialement un autre engagement. L'itinéraire d'Honoré Mailhes est emblématique de ces radicaux-socialistes ou républicains qui viennent au socialisme par la prise en compte de la question sociale. Domicilié à Villeneuve-de-Marsan, il prend contact avec les idées avancées grâce à son premier métier, voyageur de commerce. En 1906, il se présente, seul candidat républicain, contre le très réactionnaire général Jacquey, dans la 1re circonscription de Mont-de-Marsan et quatre ans plus tard, en 1910, la fédération socialiste le soutient sur la base d'un programme incontestablement " social ", mais très loin de recouvrir l'ensemble des options fondamentales de la S.F.I.O.. Lors de ce scrutin, le candidat de la S.F.I.O. à Dax, Jean Labeyrie se réclame du socialisme, alors qu'en 1906, il a été également candidat comme radical-socialiste. Au cours de cette campagne électorale, Maxime Roldes, membre de la S.F.I.O. de Paris, vient soutenir les candidats locaux et attire des auditoires importants (200 à 500 personnes) à Morcenx et Mimizan.


Longtemps sans base populaire, le socialisme Landais connait un essor (il passe de 90 cartes en 1912 à 164 en 1913), lorsqu'il prend en compte les problèmes paysans et spécialement la question du métayage. Les militants socialistes, à l'image du nouveau trésorier fédéral Jean Lamarque, participent à la création de syndicats de résiniers et investissent progressivement la Fédération des gemmeurs qui passe d'une influence plutôt radicale à une influence socialiste. Jacques Lamaison est l'auteur en 1909 d'une brochure intitulée Le collectivisme au pays de la résine, préfacée par Compère-Morel, qui joue un rôle décisif dans l'influence socialiste parmi les ouvriers résiniers. Après une première période difficile, du fait de l'orientation conservatrice du leader syndical Ernest Ducamin qui use de son influence lors des législatives de 1911, les socialistes s'unissent aux syndicalistes résiniers.


Le symbole de l'union entre socialistes et syndicalistes est le lancement le 1er mai 1912 de l'Avenir social, organe commun de la fédération S.F.I.O. et de la Fédération des gemmeurs. L'administrateur de ce journal, animé à parité par les socialistes et les syndicalistes, est l'ancien secrétaire fédéral de la S.F.I.O., Anselme Ricard, qui est responsable du groupe socialiste de Mont-de-Marsan et président du syndicat des typographes des Landes. Honoré Mailhes, " monté à Paris ", mais toujours en contact étroit avec la fédération socialiste de son département d'origine, devient le 20 mars 1913, secrétaire de l'association " Les Amis de l'Avenir social ". Il supplée également à partir de 1912, au Conseil National, le délégué des Landes, lorsque celui-ci ne peut se rendre à Paris.


Malgré une progression récente, la S.F.I.O. ne compte que 200 adhérents dans le département, à la veille de la Première Guerre Mondiale. L'essentiel des militants vieenent de la zone forestière (Labouheyre, Mimizan, Parentis-en-Born, Morcenx et Sainte-Eulalie-en-Born). Après avoir mis sur pied un véritable parti politique ayant canalisé les forces socialistes décimées et non structurées, Jacques Lamaison quitte la tête de la fédération en janvier 1914. S'il abandonne le comité fédéral du parti, il continue de siéger au Conseil National de la S.F.I.O.. Pendant les six premiers mois de l'année 1914, Paumiès occupe la direction du parti, puis Anselme Ricard est à nouveau le secrétaire d'une fédération qui est, avec la préparation de guerre, réduite à bien peu de chose.
 
 

 



Top  

Notes légales  -   Philosophie de la démarche du Conseil général des Landes  -   Contact