Les débuts du mouvement social
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1. La consolidation de la République

1.2. Le radicalisme

Victorieux des monarchistes, des bonapartistes et des nationaux-populistes proches du général Boulanger dont l'influence dans les Landes est contenue, le mouvement républicain se diversifie en plusieurs tendances et éclate sous le coup de querelles de personnes. Dominants, durant les premières années du XXe siècle, les républicains opportunistes sont progressivement concurrencés sur leur gauche par des radicaux plus sensibles aux problèmes des couches populaires. A la République opportuniste (1879-1899) emmenée notamment par Léon Gambetta et Jules Ferry succéde alors la République radicale (1899-1914). Les radicaux triomphent notamment en 1902, avec l'élection de deux cents des leurs à l'Assemblée Nationale et l'installation du gouvernement d'Emile Combes, figure du radicalisme anticlérical (auteur de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905) lié à la franc-maçonnerie, puis en 1906 avec l'obtention de 240 sièges législatifs et l'élection de Georges Clémenceau à la tête du conseil.


Dans les Landes, le malaise économique du monde rural favorise l'entrée du radicalisme dans les campagnes. Après la baisse des prix due à la crise mondiale jusqu'en 1900, l'agriculture française subit, en effet, un accroissement de la concurrence internationale : aux pays anciennement exportateurs de céréales (Europe centrale, Russie, États-Unis) s'ajoutent désormais l'Australie, l'Argentine et le Canada. Propulsé par les difficultés économiques du monde paysan, l'essor du radicalisme landais est porté par l'arrivée d'un nouveau personnel politique, d'origine sociale plus humble, qui s'oppose plus nettement aux membres de la noblesse et de la haute bourgeoisie.

En 1898, quelques électeurs landais se réclament du radical-socialisme, mais ne peuvent constituer un courant réellement influent. Sentant toutefois se diffuser la fermentation des idées radicales (anticléricalisme, promotion sociale par une démocratisation de l'enseignement, défense des petits propriétaires) les républicains opportunistes tentent de récupérer à leur profit les différents thèmes de campagne. Le premier candidat radical-socialiste fut Joseph Banos, imprimeur à Mont-de-Marsan, qui se présenta lors du renouvellement du conseil général en 1898. Il est soutenu par la Dépêche de Toulouse et par la France du Sud-Ouest, et obteint 1 406 voix. Dans quatre communes rurales (Campagne, Campet, Saint-Martin-d'Oney et Saint-Savit) il devance même son adversaire (Ernest Daraignez) et fait quasiment jeu égal avec lui à Mont-de-Marsan, bien que battu. A cette date, il existe déjà à Mont-de-Marsan un petit groupe non structuré se réclamant des idées radicales-socialistes, qui, en 1902, devient un comité radical-socialiste. Le groupe ne présente pas de candidat au scrutin législatif de 1902, mais annonce l'application de la discipline républicaine. A Dax, également se trouve un petit groupe de radicalisants au début du siècle.


Le tournant radical des Landes s'opére à 1906, avec l'élection de Léo Bouyssou dans la 2e circonscription de Mont-de-Marsan. Les radicaux socialistes, en défendant les revendications des métayers et résiniers de la Grande Lande qui explosent cette année-là, connaissent une percée électorale importante. Maire de Mano, conseiller général du canton de Sabres, Léo Bouyssou, inspecteur primaire de profession, est jusqu'à sa mort en 1935, l'un des personnages clés de la vie politique locale et la principale figure du radicalisme landais. Largement propulsé par le mouvement des gemmeurs de 1906-1907 où il joue un rôle important de médiateur, ses réseaux de clientèles se trouvent surtout dans les régions forestières.


Pour Léo Bouyssou, le soutien des métayers en lutte est d'autant plus aisé que le meneur du mouvement, Ernest Ducamin, refuse la lutte du travail contre le capital. Dans la même optique de conciliation, Léo Bouyssou déclare ainsi :

    " La dictature césarienne et la dictature du prolétariat me répugnent pareillement. Mais la démocratie, le gouvernement du peuple par le peuple, doit devenir une réalité ".
    Cité par Christian Ferret, Léo Bouyssou et le parti radical-socialiste landais, mémoire de maîtrise, Université de Pau et pays de l'Adour, 1989.

En mars 1907, il s'entremet entre ouvriers et adjudicataires des forêts domaniales : il obtient une forme d'amnistie de la part des adjudicataires, en même temps que la fin de la grève, mais échoue à mener à bien la négociation sur les conditions de partage et de travail. Pour autant, cette tentative de médiation renforce sa position politique : tout en apportant son soutien aux gemmeurs, Léo Bouyssou donne en effet des gages aux propriétaires, en refusant d'opposer travail et capital.


Léo Bouyssou s'impose comme représentant du département des Landes au Comité exécutif du parti radical-socialiste, depuis son fief de la mairie de Mano. Élu député en avril 1906, il adhére au groupe parlementaire radical. Il est à souligner que Léo Bouyssou, membre de la loge Les Travailleurs de Levallois-Perret, était comme son adversaire malheureux lors de ce scrutin, Henri Jumel, franc-maçon.


Le parti radical et radical-socialiste se développe dans les Landes, à partir de 1907. Le cas d'Aire-sur-l'Adour est illustratif. Si, dès juin 1906, il y existe un cercle républicain radical-socialiste, l'appellation de " comité radical " est prise l'année suivante. Le but de ce cercle local est triple :

  • 1. Développer la fraternité républicaine
  • 2. Faire de la propagande radicale-socialiste
  • 3. Contribuer à l'éducation des citoyens

    Pour adhérer, il faut être parrainé par deux membres et recevoir l'accord de l'Assemblée Générale. Le cercle est géré par un bureau formant l'exécutif qui est responsable devant l'Assemblé Générale. Les réunions sont hebdomadaires pour le cercle et semestrielles pour l'Assemblé Générale. La cotisation mensuelle est de 0,25 F auxquels s'ajoutaient les 0,50 F de droit d'entrée. Des comités de ce type se développent un peu partout à partir de 1907 :

  • à Roquefort avec L. Rande,
  • à Cachen avec Germain Labarbe, Messieurs Lucbert et Laporte,
  • à Bourriot-Bergonce avec Fourcade, Cantran et Garrabos,
  • à Gabarret avec Larrey,
  • à Créon d'Armagnac…


    La nécessité de coordonner ces comités locaux apparait rapidement. La naissance de la fédération départementale du parti républicain radical et radical-socialiste a lieu lors d'un congrès départemental, le dimanche 30 janvier 1910, au théâtre municipal de Mont-de-Marsan, en présence de 250 congressistes élus des comités et des syndicats. Outre Léo Bouyssou, étaient notamment présents : Loustalot (candidat aux élections législatives dans la 2e circonscription de Dax), Marbat (secrétaire de la fédération départementale des résiniers et métayers des Landes et candidat aux élections législatives à Saint-Sever), Grouille (maire de Sabres), Berque (maire de Mimizan), Dupuya (maire de Montfort), Vidal (maire de Trensacq), Madran (maire de Gastes), Ferréol-Castagnède (délégué du Comité exécutif du parti)…

    Lors du congrès régional de la fédération du Sud-Ouest du parti radical et radical socialiste, qui eut lieu les 29 et 30 mars 1913 à Mont-de-Marsan, Léo Bouyssou, leader de la fédération landaise, est désigné président de la structure régionale, qui regroupe 15 départements.


    Depuis le 15 avril 1906, parait le journal La Bataille, créé par Léo Bouyssou. Cette publication de 4 pages coûtant 3,50 F est éditée à Dax où se trouvaient également la rédaction et l'administration du journal. En mai 1908, Léo Bouyssou parvient à faire voter au Conseil général des Landes la fin du monopole des imprimés officiels et donc la fin de l'hégémonie du Républicain landais dans le département. Son journal est dès lors, un appui fondamental dans sa carrière politique. En janvier 1911, la Bataille fusionne avec la Terre Landaise, organe de la presse syndicale socialiste dirigé par un militant nommé Jean Vesone, devenant ainsi La Bataille landaise, qui contribue fortement à l'implantation du radical-socialisme dans la Grande Lande, le Marensin et le pays de Born.


    Outre le soutien aux gemmeurs en lutte, la consolidation de la situation des radicaux dans le département passe essentiellement par les élections, avec l'appui de la figure de Léo Bouyssou et de sa presse. Une année après l'élection à l'Assemblée Nationale de ce dernier, lors des élections cantonales de juillet 1907, sur les 14 sièges en renouvellement, 4 sont emportés par les radicaux qui obtenaient de bons scores dans les centres urbains et consolidaient leurs positions dans la Haute Lande (Sore, Mimizan, Sabres). En outre, 4 radicaux sont élus en même temps au titre du renouvellement des conseillers d'arrondissements.


    Cet essor est confirmé par les élections municipales de 1908 :

  • A Mont-de-Marsan, les radicaux-socialistes s'opposent aux républicains opportunistes qui conservent la majorité avec 19 élus, mais doivent désormais siéger en compagnie de sept conseillers municipaux radicaux (Bartalot, Grouille, Diris, Laroquette, Bezin, Ducharry, Garrigues et Lemercier).
  • Dans le reste du Département, les radicaux consolident leurs positions et leur parti conquiert cinq mairies de chefs-lieux de canton : Hagetmau (Lalanne), Mimizan (Berque), Montfort (Dupaya), Pouillon (Gaillou) et Soustons (Gustave Lassalle).
  • De leur côté, les républicains opportunistes conservent très largement leurs positions (161 municipalités en 1908, puis 203 en 1912)
  • La poussée à gauche se fait donc au détriment de la droite.


    Lors des élections législatives partielles de 1908 consécutives au décès de Théodore Denis, un deuxième député radical est élu dans la 1re circonscription de Dax, Jean Chaulet, établi comme négociant à Dax. Il rejoint à l'Assemblée Nationale le groupe de la gauche radicale, et est réélu en 1910. A ce même scrutin, Constant Dulau, républicain de gauche, est réélu dans la circonscription de Saint-Sever ; un républicain de gauche Damour, est élu dans la 1re circonscription de Mont-de-Marsan, en remplacement du député réactionnaire, le général Armand Jacquey, alors que les radicaux soutenaient le candidat socialiste (Honoré Mailhes ; Marcel Loustalot est élu député radical dans la 2e circonscription de Dax, et dans la 2e circonscription de Mont-de-Marsan, Léo Bouyssou l'emporte au premier tour face à un républicain opportuniste.


    Les élections cantonales achèvent de consacrer l'emprise du radicalisme sur le département : en 1910, deux radicaux sont élus et un républicain opportuniste vient rejoindre leurs rangs. En 1913, le groupe radical atteint 11 conseillers généraux mais ce dernier succès reste mitigé, dans la mesure où il tient surtout au déplacement des élus vers le radicalisme, et non à un essor de l'électorat ou des effectifs du parti. Les élections législatives de 1914 voient l'élection (ou la réélection) de trois députés radicaux et de deux indépendants radicalisants puis, en 1919, la liste radicale obtient trois députés (Léo Bouyssou, Joseph Defos de Rau, Pierre Deyris).
     
     

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