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1. La consolidation de la République
1.1. Les républicains opportunistes
Le passage des Landes à la République s'effectue sans problème, malgré la fidélité acquise à l'Empereur. Les rapports des préfets soulignent la discipline de la population qui, à partir de la fin du XIXe siècle, confirme à chaque scrutin électoral l'installation du sentiment républicain. A l'élite des grands notables et de la grande bourgeoisie se substituent alors des couches nouvelles qui appuient le nouveau régime républicain personnalisé par Léon Gambetta et Jules Ferry. Après l'invalidation de la liste conservatrice en octobre 1885, la liste républicaine l'emporte en totalité au mois de février suivant : au début de la Troisième République, plusieurs élections sont invalidées pour pression administrative ou cléricale, ce qui permet le renforcement du camp républicain qui sort généralement gagnant des nouveaux scrutins. Et c'est le 20 juin 1887, qu'est élu le premier sénateur républicain des Landes, Alfred de Cès-Caupenne. Le dernier représentant de la droite hostile au régime républicain disparait en 1893, lorsque le marquis Joseph de Guilloutet est battu par Etienne Dejean, " républicain de gouvernement ".
La progression de l'opinion républicaine est continue, mais les courants nationalistes et cléricaux parfois convergents restent encore importants au début du siècle.
Même minoritaire aux élections, l'opinion monarchiste est représentée par deux feuilles qui continuent les attaques contre la République, les francs-maçons et la centralisation jacobine. Néanmoins, les deux courants royalistes s'affaiblissent : les légitimistes perdent leur candidat Henri V qui meurt en 1883, tandis que les orléanistes admirent pour beaucoup le régime, pourvu que le pouvoir politique ou économique soit détenu par les hommes d'affaires.
Bien qu'affaiblis par la mort du prince impérial, fils de Napoléon III et d'Eugénie, tué en 1879 au service des Anglais, puis par leurs divisions, les forces bonapartistes restent longtemps organisées, avec une presse active, tout en déclinant au fur et à mesure des scrutins.
En outre, le nationalisme exacerbé de l'époque touche la plupart des hommes politiques landais qui se prononcent massivement contre le capitaine Dreyfus, condamné à tort pour espionnage au profit de l'Allemagne en 1894. Le journal des républicains opportunistes, le républicain landais, titre même à cette occasion "Vive l'armée".
Néanmoins, il n'y a rapidement plus de sénateurs opposés au régime et les notables républicains s'implantent fortement dans les mairies et au conseil général, à l'image de Victor Lourties, maire d'Aire-sur-l'Adour et président du conseil général jusqu'en 1920, et de Raphaël Milliès-Lacroix, maire de Dax, conseiller général, et sénateur de 1897 à 1932. Dans les Landes, contrairement aux bastions républicains du pourtour du Massif-Central, la République est plus portée par les nouveaux notables que par des couches populaires dont l'expression politique est limitée. Ainsi, le développement de l'idée républicaine est-il lié aux progrès de la franc-maçonnerie et au déclin parallèle de l'influence du clergé catholique. De 1871 à 1914, le département compte six parlementaires francs-maçons. Après les deux opposants démocrates-socialistes de l'Empire, Pascal Duprat et Benoît Sourigues, la nouvelle génération républicaine franc-maçonne est représentée par le sénateur Victor Lourties, pionnier du mutualisme en Aquitaine et en France.
Les républicains opportunistes détiennent les positions électives les plus solides dans les Landes avec de nombreux députés, sénateurs et conseillers généraux. Qualifiés également de " républicains de gouvernement ", ils se veulent réalistes et, sans précipitation, entendent ancrer la République dans le pays par des réformes mesurées. Ils dominent la vie politique locale où ils sont solidement implantés avec des cadres très nombreux alors que les radicaux et radicaux-socialistes sont, sans figure charismatique, et encore très peu nombreux au début du siècle. La presse des républicains opportunistes, avec notamment le Républicain landais, est la plus importante du Département.
Aux côtés de députés francs-maçons laïcs, le républicanisme landais s'incarne également dans des formes originales plutôt droitières. Certains députés nationalistes se disent républicains indépendants et libéraux, mais adoptent souvent des opinions proches de la droite cléricale et antidreyfusarde ; c'est notamment le cas de Théodore Denis, et du général Armand Jacquey. Né en 1834 et sorti major de Saint-Cyr en 1854, Armand Jacquey finit sa carrière à Mont-de-Marsan où il commande la 71e brigade puis est élu le 8 mai 1898 contre le député sortant (également républicain) Etienne Dejean, et réélu en 1902 et 1906. Théodore Denis fonde des réseaux à Dax où il est élu député en 1902 jusqu'à son décès en 1908. Le siège de la circonscription est alors occupé par un autre républicain fortement ancré à droite, le député nationaliste, Félix Leglise, élu jusqu'en 1910.
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